En cette Journée de prévention du suicide, les professionnels alertent sur le fait que de plus en plus de patrons de PME mettent fin à leurs jours.

L’histoire avait frappé les esprits. En juin 2007, dans l’un des derniers bastions industriels des Cévennes, le fondateur de Jallatte, devenu en un demi-siècle le numéro un de la chaussure de sécurité, se tirait une balle dans la tête. A 88 ans, Pierre Jallatte n’avait pas supporté la décision des nouveaux propriétaires de délocaliser la production du site historique de Saint-Hippolyte-du-Fort (Gard) vers la Tunisie. La mort de ce patron, respecté de tous, eut un immense retentissement. Le reste du temps, le suicide des patrons fait rarement la une.
Un phénomène difficile à mesurer
Alors que se déroule aujourd’hui la Journée de prévention du suicide (lire encadré), le sujet est resté jusqu’ici dans l’ombre. Il est d’ailleurs tabou chez la plupart des chefs d’entreprise. Vouant un culte à la performance, ces derniers passent très souvent sous silence leurs difficultés vécues comme un insupportable échec personnel. « Quand une entreprise va mal, on pense systématiquement aux salariés mais on oublie la souffrance des patrons », confirme Fanny Gamelin, dont le père se suicida en 2008 quelques jours après le placement de son entreprise en redressement judiciaire (lire article suivant).
Sujet occulté aussi dans une société où le mal-être au travail ne peut être que celui des salariés et presque jamais celui du chef d’entreprise, jugé probablement dans l’opinion publique comme le coupable et jamais la victime de la souffrance au bureau ou à l’usine. Pourtant, « depuis les vagues de suicide chez Renault en 2006-2007 et chez France Télécom entre 2008 et 2010, on sait que les conditions de travail peuvent être une raison du passage à l’acte. Cette prise de conscience est récente, mais lorsqu’un salarié se donne la mort, cela est traité dans les journaux comme un fait de société alors que le suicide d’un patron est généralement considéré comme un fait divers », souligne Olivier Torres , un universitaire qui s’est fait une spécialité d’ausculter la santé des chefs d’entreprise.
Et, selon ce chercheur, les suicides de patrons, et notamment des dirigeants de PME, d’artisans ou de commerçants n’ont jamais été aussi nombreux. Surendettement, dépôt de bilan, licenciements… impuissants à faire face, ils seraient, comme les agriculteurs, un à deux à se donner la mort chaque jour. En l’absence de statistiques officielles, le phénomène est difficile à mesurer. Mais il a atteint de telles proportions que le tribunal de commerce de Saintes (Charente-Maritime) a mis sur pied une cellule psychologique (lire article suivant). Une initiative inédite.
Sources : Le Parisien et E&R