Pour Barack Obama, l’Europe est un partenaire commercial et rien de plus

Le récent G8 et la visite de Barack Obama à Berlin ont souligné les divisions au sein de l’Europe, qu’elle doit gommer pour exister politiquement face aux Etats-Unis, juge notre contributeur Fabien Cazenave.

"Pour Barack Obama, l'Europe est un partenaire commercial et rien de plus"

Pour notre contributeur Fabien Cazenave, « il n’a jamais été question pour Barack Obama de traiter l’Europe comme un allié en tant que tel ».

REUTERS/Yves Herman

Le président des Etats-Unis a fait escale en Europe à l’occasion du G8 en Irlande du Nord et des 50 ans du discours de John Fitzerald Kennedy à Berlin. Barack Obama a à cette occasion discuté du futur grand accord commercial entre l’Europe et les USA. Cette visite sur notre continent est symbolique de la perception qu’a Obama de l’Europe: un territoire où commercer mais rien de plus. 

L’Europe: un continent où commercer

Barack Obama est tourné vers l’Asie. Ses premiers voyages sont pour ce continent, la Chine en tête. Si les Etats européens peuvent avoir un intérêt pour servir d’intermédiaire dans le cadre de négociations diplomatiques, ils ne sont considérés « que » comme des « Alliés ».

Au G8, Barack Obama a tenu une conférence de presse avec les représentants européens pour parler du grand accord commercial qui va être prochainement discuté. Lors de celle-ci, personne n’a parlé de la question de l’exception culturelle, ceci étant un sujet mineur et très franco-européen.

Pour le président américain, « ce partenariat transatlantique sera une priorité de [son] administration. […] Il augmentera les exportations, réduira les obstacles au commerce et à l’investissement. Dans le cadre plus large de la stratégie de croissance entre nos deux économies, il créera des centaines de milliers d’emplois des deux côtés de l’océan » explique-t-il.

Il ne s’agit donc nullement comme il était question pour la création en 1957 de la CEE(Communauté économique européenne) de la création d’une union autant fondée sur le commerce que sur des valeurs communes.

De même dans son discours à Berlin, il n’a jamais été question pour Barack Obama de traiter l’Europe comme un allié en tant que tel. Par exemple sur la question du désarmement nucléaire massif. Symboliquement, c’est en Europe, dans l’ancienne capitale divisée entre Ouest et Est qu’il souhaite tourner définitivement la page de la Guerre Froide. Mais c’est la Russie qu’il a appelé à approuver cette réduction. L’Union européenne n’existe pas en la matière alors que c’est des conséquences potentielles d’une guerre dévastatrice sur son sol dont on parle ici.

L’Europe trop divisée pour être un interlocuteur

En fait, cette approche américaine est logique. Au G8, Barack Obama a eu pour interlocuteur François HollandeAngela MerkelJosé Manuel Barroso et Herman Van Rompuy. Cela fait beaucoup pour un continent alors que la Chine ou la Russie n’envoie qu’un seul représentant.

La multiplication des interlocuteurs avait inspiré la fameuse phrase de Kissinger, « l’Europe quel numéro de téléphone? ». Parce que nous avons une vision nationale de la diplomatie, nous ne nous rendons plus compte de ce que nous imposons comme étiquette lourde et surranée à respecter pour nos partenaires.

Nous estimons normal que chacun de nos pays soit traité avec déférence. Dans la présentation du voyage d’Obama, la Maison Blanche présente Angela Merkel comme un « de nos principaux partenaires ». Au G8, le président américain est contraint dans son discours de remercier autant Barroso, Van Rompuy et Cameron présents à la conférence de presse que le « Président Hollande, la Chancelière Merkel, le Premier Ministre Letta et le Taoiseach Kenny », ainsi que « tous les autres membres de l’Union européenne« . Cela fait beaucoup de courbettes diplomatiques pour un seul interlocuteur, « l’Europe ».

Au final, certains dénoncent avec raison que « l’Europe perd de plus en plus rapidement de son influence et de son intérêt sur la scène internationale ». La visite de Barrack Obama en est le symbole: il parle d’Europe de manière générique mais doit citer tous ses interlocuteurs en particulier pour ne froisser personne…

L’Europe devient une nouvelle ligue hanséatique: unecommunauté de marchands, imposant dans sa globalité mais divisée et incapable de se comporter en acteur majeur du point de vue international.

Source : L’express

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Ces entreprises plus fortes que les États

Face aux multinationales, les nations, lestées de dettes et minées par le chômage, semblent de plus en plus désarmées. Enquête sur une lame de fond qui met à mal leur crédibilité, et celle des politiques.

Des groupes à la puissance financière démesurée défient les gouvernenents. Dans l’affaire Florange, Lakshmi Mittal, le patron du n° 1 mondial de l’acier, a fait peu de cas des sommations de François Hollande.
REUTERS/Thierry Roge

Il faudrait peut-être penser à tourner la saison 2 du Léviathan, de Thomas Hobbes. Dans son oeuvre majeure, publiée au milieu du xviie siècle, le grand philosophe anglais représente l’Etat sous les traits du monstre marin, toujours prompt à déployer ses omnipotents tentacules pour asservir le commerce, la finance et l’industrie. Autres temps, autres rapports de force. Aujourd’hui, l’ignoble « serpent tortueux » du livre d’Isaïe s’est métamorphosé en une indolente couleuvre et le Léviathan-Etat en… Léviathan-SA. Car ce sont désormais des sociétés anonymes, mais présentes aux quatre coins du monde, des multinationales aux puissances financières démesurées qui défient les Etats, même les plus grands.

Ces entreprises plus fortes que les États

Quelques chiffres éclairent sur cette inversion des « valeurs » : début 2013, Apple pesait en Bourse l’équivalent du budget de la France ou la somme des PIB roumain, hongrois, slovaque, croate et lituanien. Le seul chiffre d’affaires de la compagnie pétrolière anglo-néerlandaise Royal Dutch représente l’activité de tout le Royaume-Uni pendant deux mois et demi. Sur le front de l’emploi – le nerf de la guerre, en ces temps de chômage -, les multinationales alignent d’impressionnantes armées. Fort de ses 2,1 millions de salariés, le plus gros employeur privé du monde, le distributeur américain Wal-Mart, fait jeu égal avec l’armée populaire chinoise (2,3 millions). Nul besoin en fait de former de telles troupes pour faire plier le souverain. Les 20 000 métallos français employés par ArcelorMittalautorisent le patron à quelques bravades et promesses non tenues à l’endroit des gouvernements Fillon et Ayrault.

Une toile opaque de filiales et d’échanges de capitaux

Mais l’influence de ces groupes ne se mesure pas seulement avec une calculette. Ils tissent une toile extrêmement serrée et opaque de filiales et de relations capitalistiques. En 2011, trois chercheurs de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich publient une étude « explosive » sur les participations de 43 000 sociétés transnationales : ils révèlent ainsi que 737 firmes contrôlent à elles seules 80 % du total. Or ces entreprises tentaculaires dépensent des sommes folles en lobbying pour tenter d’imposer leurs normes et d’infléchir la réglementation. Quitte à prendre elles-mêmes le stylo pour écrire leurs propres lois. Et quand un Etat un brin récalcitrant bombe le torse pour imposer de nouvelles règles, elles n’hésitent pas à porter leurs différends devant la justice.

Leurs chiffres d’affaires rivalisent avec des PIBCes entreprises plus fortes que les États

Une étude de l’ONG belge Corporate Europe Observatory dénombre quelque 450 cas d’arbitrage entre un Etat et une entreprise dans le monde en 2011, contre seulement 38 en 1996. Des « attaques » permises par les clauses dites « investisseurs-Etat » inscrites dans la plupart des accords de libre-échange entre pays, et qui autorisent une entreprise à poursuivre en justice un Etat dès lors qu’elle juge que son investissement est floué par une modification de la loi. Ainsi, le géant suédois de l’énergie Vattenfall, un des principaux gestionnaires du parc nucléaire outre-Rhin, exige aujourd’hui 3,5 milliards d’euros à l’Etat allemand après sa décision de sortir, à terme, de l’atome…

Quel affront ! Mais, au fond, à qui la faute ? Aux patrons des multinationales, tentés de mettre au diapason leur pouvoir avec leur puissance ? Aux Etats, surtout. Ils ont organisé leur propre abdication. « Présenté comme hyperpuissant, Google ne pèse rien en Chine parce que Pékin a dit non ! » s’emballe Jean-Louis Beffa, ancien président de Saint-Gobain. Endettés et affaiblis, les Etats tentent malgré tout aujourd’hui de reprendre le contrôle. Par quels moyens ? Les coups de gueule d’un Montebourg relèvent davantage de la rodomontade que d’un véritable renversement de pouvoir. Il faut dire que, pour certains grands groupes, notamment bancaires, le joker du « Too big to fail » est extrêmement efficace.

« L’hypertrophie bancaire a piégé les Etats. D’une part, les banques sont trop grosses pour qu’on les laisse tomber en cas de problème et, d’autre part, en encadrant trop strictement leur activité, on risque de freiner le financement de l’économie », déplore Sylvie Matelly, directrice de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris). Reprendre le contrôle de la politique industrielle se révèle aussi plus compliqué que prévu.

Des patrons infiniment mieux payés que de dirigeants politiquesTim Cook (Apple): 378 millions de dollarsLawrence Ellison (Oracle): 77,5 millions de dollars

Maurice Lévy (Publicis): 25,4 millions de dollars

Lee Hsien Loong (Singapour): 1,7 million de dollars

Barack Obama (États-Unis): 400.000 dollars

Angela Merkel (Allemagne): 280.000 dollars

François Hollande (France): 200.000 dollars

Rémunération 2011 (Sources: Fortune, Proxinvest)

« Chaque pays doit avancer avec ses champions nationaux »

Que peut faire la puissance publique quand les ingrédients qui entrent dans la fabrication d’un pot de yaourt parcourent des milliers de kilomètres avant d’arriver chez le consommateur ? « Dans l’automobile, la chaîne de valeur est tellement éclatée et fragmentée que les Etats ne peuvent plus mettre en place une politique de filière. Cette notion est vide de sens », analyse froidement Dominique Guellec, le responsable du service des politiques d’innovation à l’OCDE. La solution passe, évidemment, par plus de coopération entre Etats.

Le vote récent des parlementaires européens en faveur d’une résolution sur la reprise des sites rentables en Europe va dans le bon sens, mais la mesure tient surtout de la symbolique. « Organiser une association d’Etats contre les multi-nationales ne servirait pas à grand-chose. Il faut accepter la compétition entre Etats, mais chaque pays doit avancer avec ses champions nationaux en guise de fantassins », suggère l’ancien patron de Saint-Gobain. Après tout, les nations qui s’en sortent le mieux dans la mondialisation ont agi de la sorte avec leur fleuron industriel : la Chine, la Corée du Sud ou l’Allemagne. Paradoxalement, le meilleur moyen pour les Etats de dompter les multinationales serait de s’en rapprocher.

Source : L’Expansion | Franck Dedieu et Béatrice Mathieu – publié le 30/04/2013 à 09:16

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Source : MediaBeNews