Super bonus : la City passe aux aveux

La City de Londres, vue depuis la rive sud de la Tamise.

La City de Londres, vue depuis la rive sud de la Tamise. | BEN STANSALL/AFP

On ne devrait pas prendre à la légère les problèmes de riches, car ce sont aussi des problèmes. Douglas Flint, le président de HSBC, l’avait redit le 5 août, les velléités européennes de limitation des bonus risquent de pénaliser la compétitivité de la City.

 

Le patron de la plus grosse banque britannique avait reconnu qu’il serait peut-être contraint d’augmenter les salaires de ses éléments clés pour limiter le risque d’exode qu’il entrevoyait. Il n’est pas le seul. Toute la finance anglaise serait prise d’une subite inflation salariale.

Selon une étude publiée le 19 août par la société de recrutement et de conseil en rémunération Robert Half, 65 % des sociétés britanniques de services financiers (banques, assurances, sociétés de courtage) ont augmenté en moyenne de 20 % les salaires de leurs cadres qui risquaient d’être touchés par le plafonnement des bonus en 2014. Pour contourner le projet européen de limiter les bonus, les banques augmentent donc les autres éléments de rémunération de leurs dirigeants et traders vedettes.

Après l’émotion créée par les millions déversés sur quelques poignées de salariés, l’idée était de plafonner ces carottes financières qui avaient tendance à augmenter la prise de risque à court terme et donc les risques d’accident dont toute l’économie devait supporter les conséquences. L’Europe prévoit d’interdire les bonus supérieurs à une année de salaire, ou, si les actionnaires ont donné leur accord, à deux ans de salaire.

QUI SE SENTIRAIT BRIMÉ ?

Une toise qui ne paraît pas violente. Qui se sentirait brimé de ne recevoir qu’un ou deux ans de salaire de bonus ? Mais les banquiers de Londres vivent dans une autre dimension. L’Autorité bancaire européenne a publié en juillet une étude révélant que 2 436 salariés de banques au Royaume-Uni avaient gagné 1 million d’euros ou plus pour les deux années 2010 et 2011. Ils n’étaient que 170 en Allemagne et 162 en France à avoir atteint un tel niveau.

L’Ecossais Douglas Flint vit aujourd’hui dans l’inquiétude de voir ses chouchous de la finance l’abandonner pour des concurrents hors d’Europe. L’infidélité de ces nouveaux mercenaires prêts à partir du jour au lendemain à l’autre bout de la planète si cela leur permet de gagner plus n’est pas une légende.

L’indécence des bonus n’a jamais gêné Douglas Flint, car la décence n’est pas un critère de bonne gestion. En revanche, à augmenter les salaires fixes et les autres compléments de rémunération comme les plans de retraite ou les voitures de fonction, les banquiers de la City prennent le risque d’alourdir leurs charges fixes et donc de perdre effectivement en compétitivité.

Cette adaptation à la réglementation européenne est un véritable aveu : l’utilité des bonus n’était pas tant de lier la rémunération à la performance, mais bien d’atteindre un certain niveau de rémunération.

jacquin@lemonde.fr

Jean-Baptiste Jacquin

Source : Le Monde

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