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L’UE prépare une loi pour dupliquer la solution chypriote en cas de crise bancaire
![]() The Council of the European Union Alors que la troïka venait de prendre la décision de ponctionner les épargnants détenteurs de comptes totalisant plus de 100.000 euros, le président de l’Eurogroupe Jeroen Dijsselbloem avait indiqué que la solution appliquée pour la crise grecque pourrait servir de modèle à l’avenir, déclenchant une tempête sur les marchés. Peu après, il avait amendé ses propos, affirmant que Chypre avait été « un cas spécial ». Mais Dijsselbloem ne faisait qu’exprimer ce que de nombreux eurocrates pensaient, et ils ont décidé d’en faire une loi. Der spiegel rapporte en effet que Michel Barnier, le commissaire européen au Marché Intérieur et aux Services, prépare une loi qui permettra de mettre à contribution les investisseurs bancaires et les détenteurs de comptes bancaires avant qu’une aide de la part du Mécanisme Européen de Stabilité (MES) ne soit envisagée, a affirmé le journal allemand Süddeutsche Zeitung le weekend dernier. La proposition de loi établit une priorité de ce qui sera fait en cas de mise en liquidation d’une banque : les actionnaires et les créanciers seront les premiers à être impactés, puis les déposants détenteurs de plus de 100.000 euros sur leurs comptes. En outre, chaque pays devra créer un fonds de secours spécifique pour les banques qui interviendrait ensuite. Le MES ne serait sollicité que lorsque ces 3 premières mesures ne suffiraient pas à couvrir toutes le passif de la banque en difficultés. Cette loi pourrait être prête au mois de juin. Certains s’inquiètent de l’effet désastreux que cette loi pourrait avoir sur les capitaux étrangers : « Cela mènera à une situation dans laquelle les investisseurs investiront leur argent hors de la zone euro », s’est inquiété Luc Frieden le ministre des Finances du Luxembourg, dont les propos ont été recueillis par Der Spiegel. Jusqu’à présent, et depuis la chute de la banque Lehman Brothers en 2008, ce sont les contribuables européens qui ont dû mettre la main au portefeuille pour sauver les banques européennes, notamment la banque allemande Hypo Real Estate (HRE) et Bankia.
Source : express.be et E&R |
Un pas de plus vers le précipice
20 avril 2013
La zone Euro, sous l’effet conjugué des politiques d’austérité, s’enfonce dans la crise. Pourtant, jamais les débats sur la politique économique n’ont été aussi intenses. Il n’en reste pas moins qu’ils se heurtent à un imaginaire des dirigeants politiques, tant en Allemagne qu’en France ou dans les autres pays, qui reste profondément structuré par le discours austéritaire. Les sources de ce dernier étaient tenues jusqu’à présent pour irréfutables. Mais, un récent travail permet de montrer que, derrière l’apparence du sérieux universitaire, il y avait beaucoup d’idéologie.
Le chômage a donc atteint récemment les 12% de la population active, mais avec des pointes à plus de 25% en Espagne et en Grèce. L’activité continue de régresser en Espagne, Italie et Portugal et, désormais, c’est la consommation qui commence à s’effondrer en France, annonçant, comme cela avait été prévu dans ce carnet[1], une nouvelle détérioration de la situation économique à court terme.
Graphique 1
Source: INSEE, Consommation des ménages et dépenses pour acquisition de biens immobiliers
En effet, deuxième pays de la zone Euro, la France, par la vigueur de sa consommation, avait jusqu’à ces derniers mois évité le pire pour la zone Euro. Si la consommation française continue de se contracter sur le rythme qu’elle suit depuis le mois de janvier, les conséquences seront importantes, tant en France que dans les pays voisins, et en premier lieu en Italie et en Espagne.
Une politique qui conduit l’Europe dans une impasse.
Cette détérioration générale de la situation économique pose ouvertement le problème de l’austérité adoptée par l’ensemble des pays depuis 2011, à la suite de la Grèce qui y avait été contrainte par l’Union Européenne, puis du Portugal et de l’Espagne. Mais, la volonté allemande de poursuivre dans la voie de cette politique est indéniable, et elle a été récemment réaffirmée[2]. Pourquoi, alors, un tel entêtement ? Il y a d’abord des intérêts évidents qui poussent l’Allemagne à défendre cette politique « austéritaire ».
La zone euro rapporte à l’Allemagne environ 3 points de PIB par an, que ce soit par le biais de l’excédent commercial, qui est réalisé à 60% au détriment de ses partenaires de la zone Euro ou par le biais des effets induits par les exportations. On peut parfaitement comprendre que, dans ses conditions, l’Allemagne tienne à l’existence de la zone Euro. Or, si Berlin voulait que la zone euro fonctionne comme elle le devrait, il lui faudrait accepter le passage à un fédéralisme budgétaire étendu et à une Union de transfert. C’est une évidence connue par les économistes[3], mais aussi au-delà. Au mois d’octobre 2012, dans le cadre du Club Valdaï, le Président Vladimir Poutine avait souligné que l’on ne pouvait pas faire fonctionner une union monétaire sur des pays aussi hétérogènes sans un puissant fédéralisme budgétaire[4]. Mais, si l’Allemagne devait accepter ce fédéralisme, elle devrait alors accepter en conséquence de transférer une partie importante de sa richesse vers ses partenaires. Rien que pour l’Espagne, la Grèce, l’Italie et le Portugal, les transferts nécessaires à la remise à niveau de ces économies par rapport à l’Allemagne et la France représenteraient entre 245 et 260 milliards d’euros, soit entre 8 et 10 points de PIB par an et ce pour au moins dix ans[5]. Des montants de ce niveau, et il n’est pas impossible qu’ils soient même supérieurs[6], sont absolument exorbitants. L’Allemagne n’a pas les moyens de payer une telle somme sans mettre en péril son modèle économique et détruire son système de retraite. Elle souhaite donc conserver les avantages de la zone euro mais sans en payer le prix. C’est pourquoi elle a toujours, en réalité, refusé l’idée d’une « Union de transferts ». Au-delà, le problème n’est pas tant ce que l’Allemagne « veut » ou « ne veut pas » ; c’est ce qu’elle peut supporter qui importe. Et elle ne peut supporter un prélèvement de 8% à 10 de sa richesse. Cessons donc de penser que « l’Allemagne paiera », vieille antienne de la politique française qui date du traité de Versailles en 1919, et regardons la réalité en face.
L’Allemagne a d’ores et déjà des réticences importantes sur l’Union bancaire, qu’elle avait acceptée à contre-cœur à l’automne 2012. Par la voix de son ministre des Finances, elle vient de déclarer qu’elle considérait qu’il faudrait modifier les traités existants pour que cette Union bancaire puisse voir le jour[7]. Il est certes possible de modifier les textes fondateurs, mais tout le monde est conscient que cela prendra du temps. Autrement dit, l’Allemagne repousse en 2015 et plus probablement en 2016 l’entrée en vigueur de l’Union bancaire dont elle a de plus largement réduit le périmètre. On peut considérer que les arguments de l’Allemagne sur la « constitutionnalité » de l’Union Bancaire sont des prétextes. C’est peut-être le cas, mais Madame Merkel a quelques bonnes raisons de vouloir s’assurer de la parfaite légalité des textes. La création récente du nouveau parti eurosceptique « Alternative pour l’Allemagne », un parti que les sondages mettent actuellement à 24% des intentions de vote, constitue une menace crédible pour les équilibres politiques en Allemagne[8].
Dans ces conditions, on comprend bien qu’il n’y a pas d’autre choix pour l’Allemagne que de défendre une politique d’austérité pour la zone Euro, en dépit des conséquences économiques et sociales absolument catastrophiques que cette politique engendre. De là à prétendre que l’Allemagne voudrait « expulser » les pays du « Sud » de l’Europe, il y a plus qu’un pas. Simplement, elle ne peut pas payer pour eux. De ce point de vue, attribuer un soi-disant « programme secret » à Madame Merkel à ce sujet, croire que l’on va mener une lutte héroïque pour garder ces pays dans la zone Euro est l’une de ces somptueuses âneries dont certains politiques ont le secret.
Mais il y a aussi une dimension idéologique, prétendument « fondée » en théorie économique.
La source de la politique austéritaire.
L’antienne que le poids de la dette compromet la croissance, et que seule une politique d’austérité est à même de soulager le poids de cette dette, fait partie de ces apparentes évidences dont la « sagesse des nations » est remplie. Cette soi-disant évidence avait trouvé une forme de justification dans un texte publié par deux auteurs fort connus (dont l’un fut le Chief Economist du FMI), Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff[9]. Les conclusions de ce texte, qui fut par la suite publié, étaient qu’au-dessus d’un ratio Dette/PIB de plus de 90% l’impact de la dette était très négatif sur la croissance. La conclusion était alors évidente : il fallait se désendetter si l’on atteignait de tels niveaux. C’est la logique adoptée par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault en France qui va renforcer dès le second semestre de 2013 l’austérité budgétaire et fiscale. Soit dit en passant, ceci allait contre toute une série d’études indiquant que l’austérité avait des conséquences dramatiques sur la croissance. On en a rendu compte sur ce carnet[10]. Mais, les partisans de l’austérité à outrance pouvaient toujours affirmer que, quelles que puissent être les conséquences de l’austérité, l’impératif du désendettement était une véritable priorité pour retrouver la croissance. C’est d’ailleurs très précisément le discours tenu par François Hollande et Jean-Marc Ayrault.
Sauf que ce papier contenait d’importantes erreurs qui ont été révélées dans une contre-étude rédigée par trois économistes[11], cette affaire ayant provoqué une certaine commotion dans le petit monde des économistes[12]. Tout d’abord, Reinhart et Rogoff ont arbitrairement exclu certaines années dans l’échantillon qu’ils ont constitué et qui est censé couvrir la période 1946-2009. Trois pays importants sont ainsi exclus pour les années de l’immédiat après-guerre, l’Australie, le Canada et la Nouvelle Zélande. Or, dans ces trois pays, on trouve à la fois un ratio de dette élevé et un taux de croissance élevé. Ensuite, les deux auteurs de l’étude faisant référence pondèrent leurs données de manière très curieuse, qui aboutit, là aussi, à diminuer l’influence sur les calculs de pays où l’on retrouve une dette publique importante et une croissance forte. Enfin, la réplication des données de l’étude originelle qui a été faite par les trois économistes montre qu’une erreur non négligeable s’est glissée dans l’une des feuilles Excel utilisée par Reinhart et Rogoff[13]. Le résultat est que Herndon, Ash et Pollin trouvent que les pays avec un ratio de dette rapporté au PIB de 90% et plus ont eu historiquement une croissance de 2,2% et non de -0,1% comme l’affirmaient Reinhart et Rogoff[14].
L’erreur concernant le fichier Excel est certainement ce qui a provoqué le plus de commentaires, mais il s’agit en réalité d’une erreur mineure. Par contre, l’omission de certains pays à certaines périodes ainsi que les pondérations utilisées sont des indices bien plus sérieux que Reinhart et Rogoff ont « arrangé » leurs données pour obtenir des résultats conformes à leur idéologie. Ceci jette un doute bien plus profond et sur la méthode de certains économistes et sur le sérieux des gens qui les suivent.
Les conséquences désastreuses des politiques austéritaires.
Tous les pays, les uns après les autres, se sont lancés dans des politiques suicidaires de dévaluation interne, politiques qui sont les équivalents des politiques de déflation des années trente qui amenèrent Hitler au pouvoir. Ainsi en est-il en Espagne et en Grèce, ou le chômage et l’austérité dévastent la société[15]. Mais les conséquences ne se limitent pas qu’à cela. En fait, la politique d’austérité est en train de dresser les peuples les uns contre les autres. Le paradoxe est ici total. L’Europe, au sens de l’Union Européenne, que l’on présente habituellement comme un facteur de paix sur le continent, s’avère être désormais un facteur d’aggravation des conflits et de réveil des vieilles haines.
Dans le cas de la France, les conséquences de l’austérité sont claires. Si l’on veut absolument réduire le coût du travail pour tenter de restaurer la compétitivité de l’industrie sans dévaluer, il est clair qu’il faudra baisser les salaires et les prestations sociales. Mais alors c’est la consommation, qui se réduit déjà comme nous le voyons actuellement, qui s’effondrera. Inévitablement nous verrons les conséquences sur la croissance ; aujourd’hui les estimations les plus crédibles indiquent que pour l’économie française l’année 2013 se traduira au mieux par une stagnation et plus vraisemblablement par une contraction de -0,4% du PIB. Les dernières projections du FMI montrent d’ailleurs que les perspectives de croissance se réduisent fortement pour 2013. Un écart de -0,4% du PIB entre les prévisions faites en janvier et celles faites en avril est en réalité très significatif de la trajectoire sur laquelle nous sommes engagés.
Tableau 1
Source: Fonds Monétaire International, prévisions du 16 avril 2013
Le résultat en sera bien entendu une hausse importante du chômage. Si nous voulons faire baisser nos coûts de 20%, il nous faudra probablement augmenter le chômage de moitié, soit arriver à plus de 15% de la population active, ou 4,5 millions de chômeurs au sens de la catégorie « A » de la DARES et 7,5 millions pour les catégories A, B et C incluant toutes les catégories de chômeurs. De plus, dans la zone euro, l’Espagne et l’Italie concurrencent déjà la France par la déflation salariale. Il faudrait donc faire mieux que Madrid et Rome, quitte à atteindre non pas 15% mais alors 20% de chômage. Quel homme politique en assumera la responsabilité ? Quelles en seront les conséquences politiques ?
Par ailleurs, et sensiblement aussi inquiétant, les profits des entreprises et l’investissement productif sont en train de s’écrouler. Ceci implique que la modernisation de l’appareil productif prendra du retard et que ce que nous pourrions gagner, le cas échéant, par des politiques de dévaluation interne, nous le perdrions en productivité.
Graphique 2
Source: INSEE
Pour l’heure, nos dirigeants, et en particulier en France, font le gros dos. Le Président de la République, François Hollande, met tous ses espoirs dans une hypothétique reprise américaine pour alléger le poids du fardeau de l’austérité. Il a cependant déjà du admettre que ceci ne surviendrait pas au 2ème semestre 2013, comme il l’avait annoncé tout d’abord, et il a décalé sa prédiction au début de 2014. Mais, tel l’horizon qui s’enfuit devant le marcheur, la reprise américaine ne cesse de se décaler. C’est une illusion de croire que la demande extérieure viendra aujourd’hui nous sauver la mise. La croissance américaine est bien plus faible que prévue, et le FMI réduit à la baisse ses prévisions la concernant. Quant à la croissance chinoise, elle se ralentit de mois en mois. François Hollande espère que nous serons sauvés par la cavalerie; mais la cavalerie ne viendra pas, ou alors, comme dans les tragiques journées de juin 1940 « trop peu, trot tard ».
Ajoutons que les calculs réalisés par le gouvernement sur 2014 manquent singulièrement de fiabilité. Le gouvernement maintient son objectif de déficit budgétaire pour 2014 à 2,9% du PIB. Or, nous serons en 2013 non pas à 3% mais à 3,7% (au mieux) voire 3,9% (au pire). Une réduction de 0,8% à 1% du déficit implique une économie ou le dégagement de nouvelles ressources fiscale pour 16 à 20 milliards d’euros. Mais, cette pression fiscale, compte tenu d’un multiplicateur des dépenses publiques qui est très probablement à 1,4 (si ce n’est plus), engendrera une baisse de l’activité économique comprise entre 22,4 et 28 milliards. Ceci se traduira par une baisse des recettes fiscales de 10,3 à 12,9 milliards d’euros. Le gain total des mesures budgétaires et/ou fiscales ne sera donc plus que de 5,7 à 7,1 milliards. Si le gouvernement entend atteindre à tout prix l’objectif de déficit qu’il s’est fixé, il devra réduire les dépenses ou augmenter les prélèvements de 45 milliards d’euros et non de 16 milliards comme prévu initialement. mais, ce prélèvement de 2,25% du PIB entraînera alors une chute de l’activité économique de 3,1% environ. Sachant que la prévision de croissance faite par le gouvernement est de +1,2% pour le PIB de 2014, cela se traduira, si tant est que la prévision soit fiable, par une récession de -1,9% du PIB. S’il se contente d’une contraction des dépenses ou d’une hausse des impôts de 16 milliards, l’effet négatif sur la croissance ne sera “que” de 22,4 milliards, soit 1,1% du PIB, et nous nous retrouverons en 2014 avec une croissance effective de l’ordre de +0,1%, et un déficit de 3,5%. Ces calculs montrent bien l’inanité de la politique d’austérité dans les conditions actuelles, ce que confirme une étude récente de Natixis qui cependant raisonne sur un multiplicateur des dépenses publiques de l’ordre de 1 alors que nous pensons que la valeur du multiplicateur est plutôt de 1,4 pour la France aujourd’hui (Natixis def budg).
Plus que jamais, la question de la survie de la zone Euro est posée. Les tendances à son éclatement s’amplifient désormais. On voit que les problèmes de pays aussi divers que la Grèce, l’Espagne le Portugal et l’Italie vont converger à court terme, probablement au cours de l’été 2013. Dans ces pays la crise fiscale (Grèce, Italie), la crise économique, la crise bancaire (Espagne, Italie) se développent désormais en parallèle. Il est donc hautement probable que nous connaîtrons une crise violente durant l’été 2013, voire au tout début de l’automne. Il est temps de solder les comptes. L’Euro n’a pas induit la croissance espérée lors de sa création. Il est aujourd’hui un cancer qui ronge une partie de l’Europe. Si l’on veut sauver l’idée européenne tant qu’il en est encore temps, il faut rapidement prononcer la dissolution de la zone euro. Cette solution s’imposera comme une évidence et devrait réunir des responsables venant de diverses formations politiques. Il convient cependant d’agir vite. Encore une fois, le temps n’attend pas.
Source : russeurope.hypotheses.org
Les Européens, trop différents pour s’entendre, par Richard Swartz
Plus que les écarts entre les performances économiques des pays de l’UE, ce sont les fossés culturels entre les Européens qui constituent l’obstacle principal à la création d’une véritable communauté homogène. Il n’est dès lors pas étonnant qu’on ait autant de mal à la construire.

Beaucoup ont essayé d’unifier l’Europe. Tous s’y sont cassé les dents : Attila, Charlemagne, Napoléon, Hitler. La dernière tentative en date est celle de l’Union européenne. Laquelle ne s’est pas faite flamberge au vent, l’Europe étant devenue, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, un continent pacifiste, mais par des moyens inoffensifs tels que la bonne volonté, des institutions communes, des lois et des règlements. L’euro est la dernière, et sans doute la plus audacieuse, de ces initiatives en faveur d’une Europe unifiée.
L’origine du projet européen moderne est politique, même si l’accent a été mis depuis le début sur l’économie. La communauté du charbon et de l’acier visait à sortir les industries nécessaires à la guerre du cadre de l’Etat-nation afin de prévenir de nouveaux conflits. Les économies nationales devaient se retrouver dans un grand marché unique dépourvu de frontières et converger peu à peu les unes vers les autres.
Le projet ne se fondait pas simplement sur la suprématie de l’économie mais aussi sur l’idée que la rationalité économique devait permettre l’émergence d’une communauté de vues dans d’autres domaines dans le but de créer un ensemble qui ressemblerait à des Etats-Unis d’Europe.
La région la plus complexe du monde
L’économie a sans aucun doute joué un rôle décisif lorsqu’il s’est agi de mettre l’Europe à l’abri de la guerre et, en ce sens, la coopération européenne a été un formidable succès après 1945. Mais la coopération économique ne suffit plus pour ce que nous devons construire aujourd’hui ; la crise de l’euro nous apprend que cette coopération a ses limites, lesquelles sont en réalité d’ordre historique et culturel. Car l’Europe est sans doute la région du monde la plus complexe qui soit.
Dans un espace de taille modeste, plus de 300 millions de personnes doivent tenter de former une union alors qu’il n’est pas besoin d’aller bien loin pour ne plus comprendre ce que dit l’autre, pour trouver des gens qui mangent et boivent des choses que nous ne connaissons pas, qui chantent d’autres chansons, qui célèbrent d’autres héros, qui entretiennent un autre rapport au temps mais aussi, d’autres rêves et d’autres démons.
Or ces différences sous-jacentes ne sont jamais, ou rarement, évoquées. Elles sont masquées par un discours dans lequel tous les Européens apparaissent naturellement soudés face au reste du monde, alors qu’un Suédois aura sans doute plus de points communs avec un Canadien ou un Néo-Zélandais qu’avec un Ukrainien ou un Grec. Il est probable que ce soit principalement à cause de nos différences culturelles – et non politiques ou économiques – que l’histoire de l’Europe est émaillée d’hostilités et de violences, à commencer par les deux guerres les plus effroyables que l’humanité ait connues, et qui n’étaient au fond que des guerres civiles européennes.
Pourtant on a l’impression que tout cela est oublié ou refoulé. Voire inconnu. Si bien que le discours européen que l’on nous sert quotidiennement – le drapeau, Beethoven, l’Eurovision… – a peu de chose à voir avec notre réalité européenne ; il relèverait plutôt de la pure propagande pour un projet qui ne veut pas entendre parler de différences culturelles ou mentales, lesquelles sont pourtant nettement plus profondes que nos différences matérielles ou financières.
L’Europe à laquelle nous ne voulons pas croire
En réalité, il a fallu attendre la crise européenne pour ouvrir les yeux sur le fossé qui sépare le discours de la réalité. A notre stupéfaction, la crise nous a fait découvrir des gens qui n’avaient jamais payé d’impôts, qui estimaient que les autres devaient payer leurs dettes à leur place et qui accusaient de despotisme ceux qui leur tendaient la main. Nous ignorions l’existence de tels Européens et nous ne voulons pas y croire. C’est pourtant la réalité, et cela fait longtemps que cela dure.
Qui, en dehors des spécialistes, savait voilà un an ce qu’était le clientélisme ? J’ai une amie croate qui est ministre depuis le début de l’année. Ce n’est pas un ministère de premier plan, mais tout de même. Je lui demande combien de fonctionnaires permanents figurent sur la liste de salariés du ministère. Cinq cents. Cinq cents ? Cela paraît beaucoup pour un pays comme la Croatie. De combien de collaborateurs aurait-elle besoin pour élaborer la politique qu’elle entend mener ?
La réponse résonne comme un coup de tonnerre : trente. “Et tu envisages de congédier les 470 autres ?” La ministre regarde d’un air à la fois empathique et moqueur le nigaud du Nord des Alpes que je suis (sans être blond pour autant). Non. Car elle n’a pas l’intention de jouer avec sa vie. D’autant qu’elle a un fils qui va à l’école à pied tous les jours. Et un accident est si vite arrivé. Même lorsque mon amie aura quitté ses fonctions, près de 500 fonctionnaires continueront chaque jour de se rendre dans des bureaux qui n’existent pas pour faire un travail qui ne les attend pas. Seuls les salaires qu’ils touchent existent dans le monde réel.
Voilà à quoi ressemble notre Europe. Et notez bien que le Nord n’est pas moins étrange que le Sud, que l’Est ne l’est pas moins que l’Ouest, et vice-versa. Tout est question de point de vue. L’Europe n’est ni plus ni moins qu’un rayon de miel extrêmement fragile, composé de particularismes culturels, historiques et mentaux. Aucun Européen ne ressemble vraiment à un autre. Et pourtant, nous préférons voir cette Europe non pas comme un rayon mais comme un pot de miel, prêt à consommer.
Par Richard Swartz, journaliste et écrivain suédois né en 1945. Installé à Vienne depuis 1976.
Traduction : Jean-Baptiste Bor
Source : PressEurop d’après Dagens Nyheter et Les-crises.fr
La France peut-elle désormais imprimer de la monnaie de façon illimitée ?
Les données économiques de la France sont inquiétantes, et son gouvernement est empêtré dans une grave crise politique qui risque de saper sa crédibilité alors que le pays a désespérément besoin de réformes. Comment expliquer alors le récent effondrement des taux d’intérêts sur les obligations à 10 ans (OAT) ?
Selon plusieurs medias, pas de doute : la Banque Centrale Européenne (BCE) a donné carte blanche à la France pour imprimer de la monnaie de façon presque illimitée.
C’est ce que croit l’économiste néo-keynésien américain lauréat du Prix Nobel d’Economie, Paul Krugman. Dans le New York Times, il a affirmé la semaine dernière que la France « a retrouvé sa propre monnaie » : « Les coûts d’emprunt de la France plongent. (…) Mais, attendez, la France n’était-elle pas supposée être la prochaine Italie, sinon la prochaine Grèce? (…) Les marchés ont conclu que la BCE ne peut laisser la France à court d’argent ; sans la France, il n’y a plus d’euro. Donc pour la France, la BCE est prête à jouer le rôle d’un prêteur de dernier ressort sans aucune ambigüité, et à fournir de la liquidité.
Ceci signifie qu’en termes financiers, la France a rejoint le groupe des pays avancés qui battent leur propre monnaie et qui ne peuvent donc tomber à court d’argent, un club dont tous les membres jouissent de coûts d’emprunt très bas, plus ou moins indépendamment de leurs dettes et déficits ».
Dans Business Insider, Joe Weisenthal indique que la baisse des taux d’intérêt est traditionnellement un indicateur de faiblesse de l’économie. Il n’y a qu’en Europe que l’on a assisté à la montée brutale des taux d’intérêt des pays de la périphérie en temps de crise, parce que le marché a estimé que ces pays dont les cotes de crédit ont été dégradées, pourraient théoriquement faire faillite, puisqu’ils ne peuvent imprimer leur propre monnaie.
Pour le journal allemand Deutsche Wirtschafts Nachrichten (DWN), cela frise le complot, puisque la BCE agirait pour empêcher une grande banque française de faire faillite. Le journal cite les noms de BNP Paribas, la Société Générale et le Crédit Agricole. Le DWN estime que Draghi est conscient que cette opération n’est pas tout à fait conforme avec le mandat de la BCE, mais qu’il souhaite éviter que l’Allemagne ne s’en mêle: «En France, une nouvelle bulle financière, gigantesque, se développe discrètement. L’Allemagne impuissante ne peut qu’y assister. Le président de la Bundesbank, Jens Weidmann, peut tenir des discours ici et là, mais rien de plus. Cette action montre que les pays du sud de l’UE ont déjà largement pris le contrôle de la construction européenne dans les couloirs de la BCE ».
(Graphique des taux sur OAT françaises à 10 ans. Source: Bloomberg)
Sources : Express.be et E&R
Pierre Jovanovic – Guerre Civile en France
Olivier Delamarche : Le Bitcoin, une alternative à l’euro ?
Spéculation : l’Espagne a déjà remboursé trois fois sa dette !
En dix ans, l’Espagne a remboursé 1 020 milliards d’euros de dette, taux d’intérêt compris. Soit trois fois le montant de ce que l’État avait emprunté en 2000. Un énorme transfert des richesses ponctionnées sur la population et les services publics au bénéfice de riches créanciers. Comme en Grèce ou au Portugal…
La dette de l’État espagnol est le point de mire de toute l’Europe, du fait que les marchés financiers (banques d’investissement, fonds vautours et assurances) continuent à spéculer sur cette dette avec un seul objectif : amasser de juteux bénéfices. Et cela provoque l’appauvrissement de la population dans son ensemble, car toute cette spéculation conduit à une augmentation progressive des intérêts à payer, réduisant à leur tour d’autres dépenses de l’État : éducation, prestations de retraite, vieillesse et chômage, justice, santé ou services sociaux. Toutes ces mesures d’austérité, équivalentes aux plans d’ajustement structurel menés au sud de la planète à partir des années 1980, ne font qu’augmenter les inégalités sociales, à travers l’appauvrissement chaque fois plus important des personnes, spécialement des plus vulnérables (femmes, minorités ethniques, jeunes, immigrés, personnes au chômage et à la retraite).
Cependant, et contrairement au discours dominant, ce ne sont pas les dépenses publiques qui ont augmenté la dette de l’État espagnol, mais, bien au contraire, les mesures qui ont provoqué des déficits obligeant à un endettement croissant, et dont le bénéfice pour l’ensemble de la population est plus que douteux. Par exemple, la baisse des impôts sur les successions et donations, sur la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu, et la suppression de l’impôt sur le patrimoine ont bénéficié aux plus riches, dont le patrimoine, en réponse à leur cupidité, a par ailleurs été protégé par la fraude fiscale, la baisse des impôts sur les sociétés et les Sicav.
Effet boule de neige
Par conséquent, la logique opérante consiste à faire payer à l’ensemble de la population des avantages économiques obtenus par un petit nombre de personnes qui s’enrichissent grâce à la dette. Mais il n’est pas facile de connaître la proportion exacte du budget dédiée au remboursement. Cela est dû à une volonté politique délibérée de dissimuler ces questions à la population, rendue possible par le caractère particulier de l’endettement des États, très différent de la compréhension générale qu’on peut avoir des prêts aux particuliers ou aux entreprises. Pour ces prêts, l’argent prêté (appelé capital), tout comme les intérêts, se rembourse au fur et à mesure du délai accordé. Dans le cas d’un État, seuls les intérêts des prêts (appelés lettres, bons ou obligations d’État, selon qu’ils soient à court, moyen ou long terme) sont remboursés régulièrement jusqu’à échéance, alors que le capital doit être remboursé dans son intégralité quand le prêt se termine (arrive à échéance).
Pour cette raison, le fonctionnement habituel des États est de s’endetter à nouveau pour payer les échéances d’anciennes dettes, ce qui leur permet de dissimuler ces dépenses, du fait qu’elles s’équilibrent au niveau budgétaire : les dépenses pour paiement des échéances équivalent aux revenus pour émission de nouvelle dette. Cependant, en augmentant la dette par un déficit résultant d’une mauvaise gestion budgétaire, on augmente chaque fois plus le paiement, qui à son tour nécessite chaque fois davantage d’émissions. De plus, cette nouvelle dette peut être émise sous des conditions différentes, par exemple avec des taux d’intérêt plus élevés (ce qui s’est passé dernièrement), ce qui débouche sur le classique effet boule de neige (augmentation de la dette par l’effet conjugué de forts taux d’intérêt et de nouveaux prêts pour payer les anciens).
Nécessité d’un audit de la dette
L’étude minutieuse des budgets généraux de l’État (accessibles sur le site du ministère espagnol de l’Économie et des Finances) permet de vérifier la quantité d’argent dépensée par l’État espagnol au titre du remboursement du capital durant ces dernières années (voir tableau). Par exemple, le remboursement du capital pour l’année 2010 est comparable au budget total de l’État pour cette année. Si nous additionnons intérêts et capital remboursé dernièrement, nous voyons qu’entre 2000 et 2010 l’État espagnol a remboursé plus de 3 fois ce qu’il devait en 2000, et continue à en devoir près du double. Ce tableau permet aussi de voir comment les intérêts et le capital remboursés, tout comme la dette totale, ont poursuivi leur hausse depuis 2000 ; et avec l’actuelle spéculation sur la dette de l’État espagnol, cette tendance n’est pas près de s’inverser.
En conclusion, il paraît totalement injuste d’économiser sur les services publics comme l’éducation et la santé pour rembourser une dette dans le but d’alléger un déficit qui a bénéficié aux plus riches. Sous la pression populaire si nécessaire, l’État doit ouvrir tous les comptes publics de la dette pour que la population, en s’appuyant sur le droit national et international, puisse décider si elle doit rembourser ce qui a déjà été payé plusieurs fois, et annuler une dette frappée d’illégitimité. Ainsi, cet audit de la dette espagnole permettrait d’inverser le transfert de richesses opéré par le service de la dette non pas au bénéfice des riches créanciers, mais bien à destination du bien-être de la population dans son ensemble.
Yves Julien, Jérôme Duval (Patas Arriba, coordination Attac – CADTM) – Valencia
Version espagnole : « España : ¿Cuántas veces tendremos que pagar una deuda que no es nuestra ? » Patas Arriba
Source : Basta