Syrie : le pape François, un anti-guerre de poids

Le pape François, dimanche.

Le souverain Pontife multiplie les initiatives pour rallier à ses options pacifistes. En France, l’épiscopat est plus réservé.

Opposé à une intervention militaire des Occidentaux en Syrie, le pape François a multiplié, depuis une semaine, les initiatives pour rallier à ses options pacifistes.

Après avoir adressé une lettre, jeudi, au président russe Vladimir Poutine à l’occasion du G20 et convoqué, le même jour, au Vatican les ambassadeurs accrédités auprès du Saint-Siège, il a présidé, samedi soir, une veillée de prière sur la place Saint-Pierre. Devant 100 000 personnes, le pape a plaidé pour la paix et dénoncé la guerre comme «une faillite pour l’humanité». Une nouvelle fois, dimanche, il a appelé à «une juste solution au conflit fratricide». «Cela implique, entre autres, de dire non à la haine fratricide et aux mensonges dont on se sert, à la violence sous toutes les formes, à la prolifération des armes et à leur commerce illégal», a déclaré le chef de l’Église catholique.

Cet engagement de Bergoglio se situe dans la droite ligne de celle de Jean-Paul II qui, en 2003, s’était opposé à la guerre en Irak. Après la parenthèse du pontificat «théologique» de Benoît XVI, le pape François donne des contours plus «politiques» à son action. Officiellement, le Vatican redoute, si les États-Unis et la France persistaient dans leur option militaire, une extension du conflit syrien à l’échelle régionale.Même si le pape n’y a jamais fait directement allusion, l’Église catholique est aussi fortement préoccupée du devenir des minorités chrétiennes au Moyen Orient, sous pression localement de la montée en puissance des groupes islamistes. Le conflit irakien a ainsi provoqué une hémorragie des chrétiens chaldéens dont un nombre conséquent avait d’ailleurs trouvé refuge en Syrie.
Poids dans l’opinion publique

Limitées dans leurs effets diplomatiques, les prises de position du pape risquent cependant de peser sur les opinions publiques, déjà rétives à des frappes occidentales en Syrie. La veillée de prière, samedi soir, sur la place Saint-Pierre, a donné une caisse de résonnance particulière aux positions pacifistes du pape François. A travers toute la planète, les autorités catholiques ont relayé le «Syria day» de Bergoglio, multipliant les initiatives localement. À Damas, un millier de chrétiens se sont réunis, samedi soir, dans la cathédrale Notre-Dame-de la Dormition autour du patriarche des melkites, Grégoire III Laham. À Paris, les catholiques avaient rendez-vous à la basilique du Sacré cœur à Montmartre. À Lyon, le cardinal Philippe Barbarin et le recteur de la grande Mosquée de la ville, Kamel Kabtane se sont associés pour prier pour la paix.

Même si les initiatives ont fleuri dans tout l’Hexagone, l’épiscopat catholique français fait preuve malgré tout d’une certaine réserve politique, prenant garde de ne pas critiquer les choix de la France en faveur d’une intervention en Syrie. Jusqu’à présent, la conférence épiscopale n’a fait aucune déclaration sur le sujet. Commentant la journée de mobilisation de samedi, le cardinal-archevêque de Bordeaux, Jean-Pierre Ricard précisait même qu’elle «n’était pas dirigée contre des pays, les Etats-Unis ou la France».

Cette réserve des évêques français, mue par la volonté de ne pas ouvrir une nouvelle polémique avec le gouvernement après la bataille contre le mariage gay, tranche nettement avec l’engagement de leurs homologues aux Etats-Unis. Les évêques américains mènent un intense lobbying contre le projet de frappes militaires en Syrie. Relayant la position du pape, le cardinal-archevêque de New York, Timothy Dolan, président de la conférence épisocopale, a ainsi écrit, la semaine dernière, aux réprésentants et aux sénateurs pour faire part de son opposition à une intervention armée. En 2003, avant le déclenchement de la guerre en Irak, les responsables catholiques américains, empêtrés à l’époque dans les scandales de pédophilie, s’étaient montré plus discrets.

 

Source : Libération

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