La démesure d’Apple en chiffres et images

Apple est depuis quelques mois la plus grande capitalisation boursière, désormais loin devant le géant pétrolier et gazier ExxonMobil. La croissance d’Apple étant tellement fulgurante depuis quelques mois, que certains analystes utilisent même maintenant un indice « S&P 500 hors Apple » afin d’avoir une vision non-biaisée du marché. Plutôt que de vous ressortir les chiffres qui traînent sur le web, le Captain’ s’est plongé dans les rapports de la société de Cupertino. Coup d’oeil sur l’immensité de la fortune d’Apple.

 

Le rapport trimestriel du dernier trimestre 2011 est consultable sur le site officiel d’Apple. Et les chiffres sont tout simplement incroyables. Bénéfice durant le trimestre: 13 mds de dollars ! Chiffre d’affaires du trimestre : 46 mds ! Trésorerie : 97 mds de dollars ! Nombre d’iPhone vendus sur le trimestre: 37 millions !

 

Allez commençons par la capitalisation boursière d’Apple, aujourd’hui estimée a 572 milliards de dollars, soit au cours actuel du taux de change euro/dollar, environ 430 milliars d’euros. Pour donner un ordre de grandeur, cela représente autant que la somme des 8 plus fortes capitalisations boursières du CAC40 ! Cela signifie que, virtuellement, si vous deviez acheter l’intégralité des actions Apple sur le marché, vous pourriez pour le même prix acheter l’ensemble des actions des 8 plus grandes entreprises du CAC40!

 

Capitalisation Apple CAC40

 

Voilà voilà ! Passons maintenant à la trésorerie d’Apple (= le trésor de guerre accumulé au fil des années), qui s’élève désormais à 97 mds de dollars ! Mais que fait Apple de ces 97 mds de dollars? Elle le place tranquillement sur son compte en banque? Non, non, Apple a placé en grande partie sa trésorerie dans des obligations du Trésor américain, ou bien en obligations d’entreprises. Un investissement de bon père de famille (enfin de bon père de famille multi-milliardaire)! Le détail en image:

 

Trésorerie Apple

 

Il y a quelques jours, Apple a annoncé pour la première fois depuis 1995 qu’une partie de cette trésorerie serait reversée aux actionnaires sous forme de dividendes et rachat d’actions, pour un total de 45 mds de dollars dans les trois ans à venir.

 

Histoire de se faire mal au coeur, et de tous regretter de ne pas avoir acheter d’actions Apple il y a quelques années, regardons l’évolution du cours d’Apple depuis 2007. En cinq ans, le prix de l’action Apple a été muliplié par 6, passant de 100$ en 2007 à plus de 600$ actuellement. « Ma petite entreprise, connaît pas la crise! » A la vue de ce graphique, vous allez maudire ce jour de 2007 où, après une partie endiablée de Snake sur votre Nokia 3310, vous avez investi toutes vos économies dans la firme finlandaise, dont le cours à quant à lui été divisé par 8 depuis 2007 !

 

Cours Apple 2007 2012

 

 

Terminons donc par un graphique que le Captain’ a piqué sur un site américain, montrant les ventes en valeur d’Apple selon les produits, jusqu’au deuxième trimestre 2011. Je crois que c’est ce que l’on appelle une belle courbe de croissance!

 

Vente trimestrielle par Produit Apple

 

Conclusion: Pour le 4ème trimestre 2011, qui n’apparaît pas sur le graphique ci-dessus, les ventes d’Apple se sont élevées à 46mds de dollars (contre moins de 30 mds au Q2 sur la graphique). Entre le dernier trimestre 2010 et le dernier trimestre 2011, les ventes d’iPhone et d’iPad ont plus que doublé ! Le tableau ci-dessous montre les ventes d’Apple au dernier trimestre, en nombre, en valeur, et en variation par rapport à l’année dernière. Enjoy !

 

Vente Apple par Produit

 

Source : Captain €conomics

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Le rachat d’actions par une entreprise cotée : bon signe ou mauvais signe ?

Aujourd’hui, Apple a annoncé avoir racheté pour 14 milliards de dollars de ses propres actions durant les deux dernières semaines. Mais pourquoi une entreprise rachète t-elle parfois ses propres actions ? Et est-ce plutôt un bon ou un mauvais signe à propos de la santé financière de cette entreprise ? Pour comprendre cela, vous allez rentrer dans la peau d’un super créateur d’entreprise d’une société cotée en bourse. L’histoire présentée ici est très simplifiée, mais permettra de comprendre pourquoi une entreprise peut choisir de racheter ses actions, et comment ce programme de rachat peut-être interprété par le marché (effet sur les cours boursiers).

Depuis l’introduction de votre société en bourse il y a trois ans, tout semble se passer pour le mieux. Votre société réalise de beaux bénéfices chaque année, et le cours de l’action est passé de 50 euros à 110 euros. Vous avez dans les caisses de votre entreprise un beau petit trésor de guerre, accumulé au fil du temps, qui atteint désormais 100 millions d’euros (= trésorerie). Soudain, sans que vous ne sachiez trop pourquoi, le cours de l’action de votre entreprise, dont vous détenez encore 50%, s’effondre et passe à 80 euros. Vous vous dites alors : « tiens, pourquoi je n’utiliserais pas une partie du trésor de guerre de l’entreprise afin de racheter des actions à 80 euros, en attendant que cela remonte ; en plus, cela pourrait permettre de rémunérer les meilleurs employés avec des actions de l’entreprise pour les impliquer davantage encore ». Votre idée est donc que le marché n’évalue actuellement pas bien la valeur fondamentale de votre entreprise, et que c’est alors une bonne occasion pour racheter des actions. En plus, vous vous dites « tiens si je rachète des actions et que je montre ma confiance en l’entreprise, cela donnera un signal aux investisseurs comme quoi l’entreprise se porte bien, et fera remonter le cours à sa « juste valeur » ».

 

En plus de cela, un programme de rachat d’actions peut permettre de réduire les coûts d’agence, via la diminution avec le programme de rachat des divergences entre le management et les actionnaires (« moins d’actionnaires = moins de problèmes = moins de coût pour éviter les problèmes »). Enfin, un rachat d’action peut permettre d’optimiser la structure du capital de votre entreprise, c’est à dire la manière dont l’entreprise finance ses actifs par une combinaison entre dette et capitaux propres. Mais bon, restons sur la théorie la plus simple de sous-évaluation, même si empiriquement c’est un peu plus complexe que cela.

 

En 1984, Warren Buffet expliquait que lorsqu’une entreprise était dans une situation financière confortable et estimait que le cours de ses actions était bien en dessous de sa valeur fondamentale, alors le rachat d’action est la meilleure chose possible pour les actionnaires.

« When companies with outstanding businesses and comfortable financial positions find their shares selling far below intrinsic value in the marketplace, no alternative action can benefit shareholders as surely as repurchases. » Warren Buffet

 

Mais pourtant, suite à la mise en place de votre programme de rachat d’actions, et à votre grande surprise, le cours de l’action de votre entreprise dégringole. Il existe en effet deux théories opposées à propos de l’impact d’un programme de rachat d’action sur le cours boursier. La première théorie, celle sur laquelle vous vous étiez basée, est celle de la « sous-évaluation » (« undervaluation theory »). Mais il en existe aussi une autre, celle du signal négatif (« negative outlook theory »). Selon cette théorie, un rachat d’action ne montre pas la bonne santé d’une entreprise, mais au contraire un manque total d’inspiration et de projets, car au lieu d’investir ce trésor de guerre pour assurer le développement futur de l’entreprise (recherche et développement, investissement physique, nouveaux projets…), l’entreprise n’a aucune idée et préfère juste racheter des actions (processus qui ne crée pas de valeur directement).

Mais en réalité, quel effet domine ? Si l’on s’intéresse d’un point de vue empirique, l’annonce de la mise en place d’un programme de rachat d’actions a en moyenne un effet positif sur le cours boursier d’une entreprise (Vermaelen (1981), Baker & al, 2003)). C’est d’ailleurs l’effet qui semble se dégager en ce qui concerne l’annonce de rachat d’action de la part d’Apple (une étude plus approfondie serait cependant nécessaire).

 

Pourtant, selon la théorie financière, un rachat d’action, tout comme le versement d’un dividende (voir « L’impact du versement d’un dividende sur le cours d’une action« ), devrait être neutre pour les actionnaires car cette opération n’est pas créatrice de valeur. Pour expliquer empiriquement les résultats positifs, il convient donc d’analyser cela sous le regard de la théorie des signaux (signal positif de sous-évaluation ou signal négatif de « je sais pas quoi faire de mon cash j’ai pas d’idée) ainsi que sous le regard de la théorie de l’agence, ou bien encore en prenant en compte le rôle de la fiscalité (taxations différentes entre plus-values, dividendes, rachat d’action…)

Conclusion : L’investisseur/activiste Carl Icahn est peut-être en train de gagner sa bataille face à Apple. Depuis plusieurs mois, le fond qu’il dirige achète en masse des actions de l’entreprise Apple et fait pression sur Tim Cook (patron d’Apple) afin que celui-ci augmente le programme de rachat d’action. Il faut dire qu’Apple est l’entreprise au monde avec le plus gros trésor de guerre dans ses coffres : 160 milliards de dollars qui dorment bien au chaud (investissement en obligation souveraine/entreprises …  lire « La démesure d’Apple en chiffres et images« ) ! De quoi s’amuser un petit peu…

Source : Captain €conomics