QATAR : Au royaume de l’esclavage moderne

Domestique, ouvrier qualifié ou homme d’affaires : il n’est pas facile d’être un immigré au Qatar où les conditions de travail sont souvent inhumaines.
Un ouvrier du batîment travaille sur un site de Doha, capitale du Qatar, le 1er octobre 2007 - AFPUn ouvrier du batîment travaille sur un site de Doha, capitale du Qatar, le 1er octobre 2007 – AFP

En 2012, Theresa M. Dantes a signé un contrat avec une agence de recrutement des Philippines pour venir travailler au Qatar comme domestique. Elle devait être logée, nourrie et payée 400 dollars [305 euros] par mois. Pourtant, lorsqu’elle est arrivée, son employeur l’a informée qu’il ne lui verserait que 250 dollars [190 euros]. Elle a accepté car sa famille, restée à Quezon City, comptait sur ce salaire.

Cependant, la jeune femme n’était pas au bout de ses surprises. Theresa Dantes, 29 ans, affirme qu’elle ne prenait qu’un repas par jour, composé des restes du déjeuner familial. « S’il ne restait rien, alors je ne mangeais pas. » Elle travaillait sept jours par semaine. Une fois son labeur terminé dans la maison de son employeur, on la forçait à nettoyer celle de sa belle-mère puis celle de sa sœur. Huit mois après son arrivée, Theresa Dantes a voulu partir. Son patron lui a ri au nez : « Tu ne peux pas démissionner ! »

Dans le cadre de la kafala, système qui régit la vie de tous les étrangers qui travaillent au Qatar, Theresa Dantes ne pouvait pas quitter son poste sans l’accord de son employeur. Elle s’est enfuie et a rejoint 56 autres femmes qui avaient trouvé refuge au Bureau philippin du travail à l’étranger.

Environ 1,2 million de travailleurs étrangers – qui sont en majorité des personnes pauvres originaires d’Inde, du Pakistan, du Bangladesh, du Népal, d’Indonésie et des Philippines – représentent 94 % de la main d’œuvre au Qatar, une monarchie absolue qui fait à peu près la taille de l’Île-de-France.

Ce dispositif, mis en place dans les années 1950, a été conçu pour les Etats peu peuplés du Golfe qui avaient besoin d’ouvriers dans les secteurs du pétrole et du gaz. Le système s’est tellement développé qu’aujourd’hui, il y a presque cinq fois plus d’employés étrangers que de Qataris. Jusqu’à un million de personnes supplémentaires pourraient arriver au cours des prochaines années pour participer à la construction de neuf stades et de nouvelles routes (pour un budget de 20 milliards de dollars; 15,23 milliards d’euros), afin que le Qatar soit prêt à accueillir la Coupe du Monde de football en 2022.

Un document officiel n’offre pas une protection suffisante

Un grand nombre de ces personnes travailleront dans des conditions dignes du Moyen Age, que l’ONG Human Rights Watch a déjà comparées au « travail forcé ». Les patrons qataris sont responsables juridiquement de leurs employés, en plus de leur assurer un poste rémunéré, un visa de travail, un logement et souvent de la nourriture. En échange, chaque travailleur s’engage auprès de son employeur pour une durée déterminée.

En revanche, un employé ne peut pas changer de travail, quitter le pays, obtenir un permis de conduire, louer un logement ou ouvrir un compte en banque sans l’autorisation de son sponsor, dit kafil, qui peut de son côté mettre fin à son parrainage quasiment à tout moment et renvoyer la personne dans son pays d’origine.

Et les victimes ne sont pas uniquement des domestiques et des ouvriers peu qualifiés : Nasser Beydoun, un homme d’affaires arabo-américain, affirme qu’il a été « otage économique » à Doha pendant 685 jours avant d’être libéré en octobre 2011. Après qu’il a démissionné du poste de gérant d’une chaîne locale de restaurants, son ancien employeur a refusé de lui accorder un permis pour quitter le Qatar.  « Les travailleurs étrangers sont les esclaves modernes de leurs patrons qataris, explique Nasser Beydoun, qui vit désormais à Détroit, aux Etats-Unis. Ils sont leur propriété. »

Seule une moitié des ouvriers étrangers signent un véritable contrat de travail avant de venir dans l’émirat, selon un sondage réalisé par l’institut de recherche économique et sociale de l’université du Qatar. Les autres se contentent de conclure un accord verbal.

Toutefois, même signer un document officiel n’offre pas une protection suffisante. Selon le même sondage, 25 % des ouvriers qui avaient signé des contrats ont révélé que leurs employeurs n’avaient pas respecté les clauses associées. Ce chiffre atteignait 42 % chez un tiers des personnes dont le salaire mensuel était inférieur à 275 dollars [209 euros].

En moyenne, un foyer qatari emploie trois personnes

Suite aux pressions exercées par les défenseurs des droits de l’homme et du droit du travail, le gouvernement a promis la mise en place de nouvelles garanties. « Il y a sept ou huit ans, nous n’avions aucune législation du travail, explique Hussein Al Mulla, sous-secrétaire d’Etat au Travail. Cette branche du droit a été améliorée et elle continuera d’être perfectionnée avec le temps. »

Le ministère a créé une ligne téléphonique pour que les employés puissent dénoncer les abus anonymement et a mis en place un système visant à arbitrer les litiges dans ce domaine. Désormais, les patrons doivent déclarer les salaires au ministère du Travail et le pays finalise actuellement des normes professionnelles en matière de santé et de sécurité, ainsi qu’une charte énonçant les droits des travailleurs.

Néanmoins, adopter de nouvelles lois ne suffit pas. « Le véritable défi est l’application de ces textes et la transition vers une nouvelle culture du travail, » souligne Andrew Gardner, un anthropologue à l’université de Puget Sound qui s’est penché sur le cas des travailleurs dans la région du Golfe. L’ampleur du problème est phénoménale et le nombre d’étrangers augmente extrêmement rapidement. »
Au Qatar, un pays où il n’y a pas de revenu minimum légal, les travailleurs étrangers ont très peu de recours s’il s’avère que leur salaire est inférieur à ce qu’ils attendaient. Par ailleurs, les frais exorbitants des agences de recrutement n’encouragent aucunement les patrons à libérer leurs employés de leurs obligations.

En moyenne, un foyer qatari emploie trois personnes. Environ 95 % des familles ont une domestique et plus de 50 % en ont au moins deux. Un sondage réalisé récemment par l’institut de recherche a révélé que près de 90 % des Qataris ne souhaitent pas que la kafala soit assouplie, et 30 % des personnes interrogées ont même déclaré qu’elles souhaitaient un renforcement des droits de l’employeur.

Source : Courrier International

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Le top 10 des villes les plus chères au monde

Luanda, en Angola, est la ville la plus chère au monde pour y vivre et y travailler. Elle détrône ainsi la capitale nippone, Tokyo, en tête de liste des villes les plus chères au monde l’an dernier.

Voilà donc le résultat du classement annuel des villes les plus onéreuses, établie parMercer, le spécialiste RH. Mercer se fonde sur les coûts en matière de logement, de transport, de commissions ménagères, de vêtement et de divertissement.

Classement

Ville

Pays

2013

2012

2011

1

2

1

Luanda

Angola

2

4

4

Moscou

Russie

3

1

2

Tokyo

Japon

4

8

3

N’Djamena

Tchad

5

7

8

Singapour

Singapour

6

9

9

Hong Kong

Hong Kong

7

5

5

Genève

Suisse

8

6

7

Zurich

Suisse

9

14

16

Bern

Suisse

10

11

14

Sydney

Australie

Karachi, capitale économique du Pakistan, est la lanterne rouge du classement et occupe la 214ème  place. Le loyer pour un appartement deux chambres y est 14 fois moins cher qu’àMoscou par exemple.
Manon Gerritsen, le spécialiste des expats chez Mercer explique :
« Il y a de grosses disparités entre les villes. C’est e.a. dû au fait que certains biens, certaines denrées alimentaires ou des facilités particulières ne sont que très peu disponibles dans quelques pays et doivent ainsi être importés. Ce qui allonge évidemment vite la note. D’un autre côté, il est clair que certaines villes sont tout simplement plus chères. À Londres, un billet de cinéma vous coûtera 15 euros, alors qu’il vous reviendra à 9 euros à Bruxelles. Une tasse de café coûte 3,30 euros à Bruxelles, tandis qu’il faut dépenser 6,20 euros pour la même chose à Moscou. »
En fait, c’est surtout le prix du loyer qui est déterminant dans ce classement. Gerritsen poursuit : « L’on pense souvent que les villes dans les pays en voie de développement sont meilleur marché, mais ce n’est pas forcément le cas pour les expats qui y travaillent. Les multinationales essaient d’offrir aux expats des niveaux de vie similaires à ceux de leur pays d’origine. Cela implique que les prix des loyers pour des beaux appartements peuvent par exemple être très élevés. Vous pouvez vous imaginer que le même appartement n’aura pas le même prix à Luanda qu’à Bruxelles. Dans les pays plus exotiques, on parle souvent de communautés en huis clos, de zones résidentielles complètement isolées et surveillées. Vous n’avez pas besoin de cela à Bruxelles par exemple. Le loyer moyen d’un appartement, à savoir 1700 euros, y est beaucoup moins élevé. » Un appartement à Luanda coûte en moyenne 4.850 euros par mois, presque le triple du loyer moyen dans la capitale belge.

Source : Référence

Barack Obama, Seigneur des drones

Le chroniqueur conservateur Charles Krauthammer condamne vigoureusement la stratégie de lutte contre le terrorisme adoptée par Obama. L’usage massif des drones est en totale contradiction avec l’image de droiture morale que le président affiche, estime-t-il.

La lecture d’un récent article du New York Times portant sur la « petite activité hebdomadaire » du président a de quoi laisser pantois. On y apprend que tous les mardis Obama étale devant lui des cartes d’un genre très particulier où figurent les photos et les notices biographiques de terroristes présumés pour choisir quelle sera la prochaine victime d’une attaque de drone. Et c’est à lui qu’il revient de trancher : la probabilité de tuer un proche de la cible ou des civils se trouvant à proximité mérite-t-elle ou non d’interrompre la procédure ?

Cet article aurait pu s’intituler : « Barack Obama, Seigneur des drones ». On y apprend avec force détails comment Obama gère personnellement la campagne d’assassinats téléguidés. Et l’article fourmille de citations officielles des plus grands noms du gouvernement. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, il ne s’agit pas de fuites mais bien d’un véritable communiqué de presse de la Maison-Blanche.

L’objectif est de présenter Obama comme un dur à cuire. Pourquoi maintenant ? Parce que, ces derniers temps, le locataire de la Maison-Blanche apparaît singulièrement affaibli : il semble impuissant alors que des milliers de personnes se font massacrer en Syrie ; il se fait rouler dans la farine par l’Iran comme en témoigne l’échec des dernières négociations sur le nucléaire à Bagdad ; Vladimir Poutine le traite avec mépris en bloquant toute intervention dans ces deux pays et lui a même infligé un camouflet public, en décidant de se faire remplacer [par son Premier ministre Medvedev] lors des derniers sommets du G8 et de l’Otan.

Le camp Obama pensait que l’exécution d’Oussama Ben Laden réglerait tous ses problèmes de politique étrangère. Mais la tentative par le gouvernement d’exploiter politiquement le premier anniversaire du raid meurtrier contre le chef d’Al-Qaida n’a pas eu les effets escomptés, bien au contraire. Après avoir abattu sa meilleure carte (la mort de Ben Laden), il lui fallait donc en trouver une nouvelle, et c’est là qu’intervient le « Seigneur des drones », un justicier solitaire, sans pitié pour les membres d’Al-Qaida.

Qu’est donc devenu cet artisan de paix récompensé par un prix Nobel, ce président favorable au désarmement nucléaire, cet homme qui s’était excusé aux yeux du monde des agissements honteux de ces Etats-Unis qui infligeaient des interrogatoires musclés à ces mêmes personnes qu’il n’hésite pas aujourd’hui à liquider ? L’homme de paix a été remplacé – juste à temps pour la campagne électorale de 2012 – par une sorte de dieu vengeur, toujours prêt à déchaîner son courroux.

Quel sens de l’éthique étrange. Comment peut-on se pavaner en affirmant que les Etats-Unis ont choisi la droiture morale en portant au pouvoir un président profondément offensé par le bellicisme et la barbarie de George W. Bush et ensuite révéler publiquement que votre activité préférée consiste à être à la fois juge et bourreau de combattants que vous n’avez jamais vus et que peu vous importe si des innocents se trouvent en leur compagnie.

Il ne s’agit pas de condamner les attaques de drones. Sur le principe, elles sont complètement justifiées. Il n’y a aucune pitié à avoir à l’égard de terroristes qui s’habillent en civils, se cachent parmi les civils et n’hésitent pas à entraîner la mort de civils. Non, le plus répugnant, c’est sans doute cette amnésie morale qui frappe tous ceux dont la délicate sensibilité était mise à mal par les méthodes de Bush et qui aujourd’hui se montrent des plus compréhensifs à l’égard de la campagne d’assassinats téléguidés d’Obama.

En outre le Seigneur des drones est un piètre stratège, car les terroristes morts ne peuvent pas parler. Les frappes aériennes de drones ne coûtent pas cher, ce qui est une bonne chose. Mais aller à la facilité a un coût. Ces attaques ne nous offrent aucune information sur les réseaux terroristes ni sur leurs projets. Capturer un seul homme pourrait être plus utile qu’en tuer dix. Le gouvernement Obama a révélé publiquement son opposition aux tribunaux militaires, sa volonté de juger Khalid Cheik Mohammed [considéré comme le cerveau des attentats du 11 septembre 2001] à New York et d’essayer vigoureusement (mais sans succès puisque, ô surprise, il n’y a pas d’autres solutions) de fermer Guantanamo Bay. Et pourtant ces délicates attentions à l’égard des terroristes quand ils sont prisonniers coexistent avec une volonté de les tuer directement dans leur lit.

Les prisonniers ont des droits, alors ne faisons pas de prisonniers, il y a là une morale perverse. Nous n’hésitons pas à tuer des terroristes, mais nous renonçons délibérément à obtenir des informations qui pourraient sauver des vies. Mais cela nous y penserons plus tard. Pour l’instant, réjouissons-nous de la haute stature morale et de l’absence de complaisance de notre Seigneur des drones présidentiel.

Sources : Courrier International et Olivier Beruyer