Selon l’ONG Oxfam (1), la poursuite de l’austérité risque de créer jusqu’à 25 millions de nouveaux pauvres en Europe d’ici à 2025, ce qui porterait à 146 millions (un quart de la population) le nombre d’Européens en situation de pauvreté. Pour nourrir le débat politique sur rigueur ou austérité, je vous livre ici le résumé de son étude.
Se fondant notamment sur son expérience dans les pays en développement, en particulier dans les années 1980 et 1990, l’ONG souligne que les mesures d’austérité mises en place dans le but d’équilibrer les budgets, suite au sauvetage des banques à hauteur de 4 500 milliards d’euros, ont surtout pour effet d’aggraver la pauvreté et les inégalités, et l’Europe risque d’en porter les séquelles pendant encore deux décennies.
« L’histoire se répète. Nos responsables politiques ne tiennent aucun compte des conséquences désastreuses des mesures d’austérité sur les populations d’Amérique latine, d’Asie du Sud-Est et d’Afrique dans les années 1980 et 1990. Les économies y étaient en ruine et les personnes démunies s’enfonçaient davantage encore dans la pauvreté, même après le retour de la croissance », rappelle Luc Lamprière, directeur d’Oxfam France. « Des services essentiels tels que l’éducation et la santé ont fait l’objet de coupes drastiques ou de privatisations, au prix de l’exclusion des plus pauvres, notamment les femmes. Résultat : l’écart entre riches et pauvres s’est creusé considérablement ».
En Indonésie, il a fallu 10 ans pour que la pauvreté redescende à son niveau de 1997, tandis que dans certains pays d’Amérique latine, 25 ans ont été nécessaires pour ramener la pauvreté à son niveau d’avant le déclenchement de la crise, en 1981. « L’Europe prend la même direction », s’inquiète Luc Lamprière.
Le rapport souligne que la gestion de la crise économique en Europe menace de démanteler les droits sociaux acquis depuis des dizaines d’années. Les coupes radicales dans les budgets de la sécurité sociale, de la santé et de l’éducation, la réduction des droits des travailleurs et une fiscalité inéquitable enferment des millions d’Européens dans un cercle vicieux de la pauvreté qui pourrait durer des générations. C’est une absurdité morale et économique.
« Les seules personnes à bénéficier de l’austérité sont les 10 % les plus riches de la population européenne, qui ont vu leur fortune s’accroître. La Grèce, l’Irlande, l’Italie, le Portugal, l’Espagne et le Royaume-Uni – qui mènent une politique d’austérité des plus draconiennes – se classeront bientôt parmi les pays les plus inégalitaires au monde, si leurs gouvernements ne changent pas de cap. Par exemple, l’écart entre riches et pauvres au Royaume-Uni et en Espagne pourrait égaler celui du Paraguay », ajoute Luc Lamprière.
Après trois ans de ce régime, les grands tenants de l’austérité comme le Fonds monétaire international et nombre économistes commencent à reconnaître que non seulement ces mesures n’ont pas atteint l’objectif de réduire la dette publique et les déficits budgétaires, mais qu’elles ont en plus exacerbé les inégalités et entravé la croissance économique.
Oxfam propose dans son rapport une série de recommandations pour ne pas perdre 25 ans et promouvoir un modèle économique qui investit plus dans le capital humain que dans le capital tout court, notamment la garantie des soins de santé publics, universels et de grande qualité, le renforcement des systèmes de protection sociale, l’amélioration de la démocratie au travail, (meilleure représentation des employés et des opportunités, meilleur partage des responsabilités…), ou la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales.
Source : Blog Ouest France