Votre compte était à découvert ? Faites payer votre banque !

Le clavier d’un distributeur de billets (William Grootonk/Flickr/CC)

Récemment voté à l’Assemblée nationale, le plafonnement des commissions d’intervention en cas de découvert sur son compte en banque a été globalement bien accueilli. Dans son récent article sur ces commissions, la riveraine et banquière Berengere1981 salue ainsi une « mesure juste ».

Je ne partage pas son opinion : ces commissions sont le plus souvent prélevées de façon abusive par les banques. D’ailleurs, si votre banque vous a prélevé ces sommes – que la nouvelle loi plafonne à 8 euros par intervention et 80 euros par mois –, vous pouvez assez facilement obtenir un remboursement.

Une somme facturée en plus des agios

LA DÉFINITION OFFICIELLE

Selon la Fédération bancaire française (FBF), la commission d’intervention couvre les coûts humains et matériels de l’analyse par la banque d’un compte dès lors qu’une opération entraîne une irrégularité de son fonctionnement. Ce qui inclut les opérations portant son solde au-delà de son autorisation de découvert.

Cette intervention permet de déterminer s’il faut accepter ou rejeter l’opération. Elle participe à la confiance générale dans les moyens de paiement et à leur équilibre économique.

La commission d’intervention est prélevée par la banque lorsqu’une opération débitrice (retrait, prélèvement, chèque…) se présente alors que vous êtes au-delà de votre découvert autorisé.

Elle vient s’ajouter aux agios, qui eux dépendent du montant et de la durée du découvert.

Cette commission rémunère l’intervention d’un conseiller, qui va examiner la situation de votre compte et décider d’accepter ou de refuser un paiement.

Ce traitement au cas par cas permet à votre conseiller de tenir compte de votre situation.

Il peut décider d’honorer un prélèvement malgré le dépassement de votre découvert autorisé, vous évitant ainsi des frais de rejet et d’autres problèmes avec votre prestataire. Mais si vous tirez trop sur la corde, votre conseiller peut décider de ne plus valider vos paiements.

Pas d« intervention » quand on paie par carte

Voilà pour l’idée de base qui est plutôt bonne, un peu de souplesse vaut mieux qu’un rejet automatique, même si on peut se demander si un tel service coûte réellement 8 euros par opération.

Mais la vraie entourloupe est ailleurs : les banques prélèvent aussi cette commission sur les paiements et retraits effectués par carte bancaire. Or ces derniers sont automatiques et irrévocables, aucun humain n’intervient pour valider ou refuser le paiement.

Conclusion : si on vous a facturé dans ces conditions, votre banque vous a fait payé un service qu’elle ne vous a pas fourni. Je laisse le soin aux juristes de mettre un nom sur cette pratique.

Avec l’avènement de la carte bancaire, les frais liés aux découverts sont ainsi devenus une poule aux œufs d’or pour les banques, les commissions décrites ici s’ajoutant aux agios, qui représentent 15% et 20% d’intérêt sur les sommes concernées.

D’après le ministère de l’Economie, les commissions seules représenteraient deux à trois milliards d’euros par an. Sachant que 40% des transactions en France sont réalisées par carte bancaire, on peut imaginer le montant du pactole indûment engrangé.

Des sommes importantes étant en jeu, on comprend mieux pourquoi les députés ne sont pas allés au fond du problème en votant l’interdiction pure et simple de ces commissions.

Pourtant, ces deux à trois milliards d’euros ne seraient-ils pas plus utiles si ils étaient dépensés dans l’économie par les Français ? Ne serait-ce pas un bon moyen de leur redonner du pouvoir d’achat ?

Suivez mon mode d’emploi pour vous faire rembourser des commissions d’intervention

En attendant les « class actions » à la françaises, qui permettraient à l’ensemble des consommateurs lésés de mener un recours judiciaire commun, chacun peut réclamer le remboursement de ces commissions à sa banque.

Vous pouvez d’abord lui faire part de votre étonnement à votre conseiller concernant la facturation de commissions « d’intervention » alors que personne n’est « intervenu ». Mais les pouvoirs de ce dernier étant limités, vous obtiendrez rarement satisfaction.

La solution la plus rapide est d’envoyer directement un recommandé à votre directeur d’agence ou au service client au siège de votre banque. Dans ce recommandé, vous détaillerez les sommes qui vous ont été prélevées et en demanderez la justification et le remboursement.

La banque devrait vous répondre, dans des termes difficilement compréhensibles, que les commissions sont justifiées mais qu’elle consent à vous faire un « geste commercial » – souvent entre 10% et 50% des sommes prélevées.

Ne faites pas de mauvais esprit, la banque n’essaye pas de vous faire taire : elle vous fait cette fleur « eu égard de vos excellentes relations commerciales ».

Refusez le « geste commercial » proposé

Une fois ce courrier reçu, vous êtes paré pour la deuxième étape.

Vous pouvez informer votre banque que malgré son geste, vous n’êtes satisfait ni par ses réponses, ni par le montant du « geste commercial », et que vous allez en référer au juge de proximité du tribunal d’instance le plus proche de chez vous (c’est lui qui est compétent pour les litiges portant sur des sommes inférieures à 4 000 euros).

Votre banque ne prêtera pas vraiment attention à ces menaces de tribunal. Ses employés en reçoivent des centaines tous les jours.

Mais vous pouvez maintenant préparer votre dossier pour le juge de proximité. Sur papier libre et sans oublier les mentions obligatoires que vous trouverez sur le site du service public, préparez :

  • un récapitulatif rapide de votre relation avec votre banque ;
  • la liste des commissions d’intervention concernées ;
  • un résumé de vos démarches auprès de la banque (le recommandé précédent) ;
  • la réponse de la banque, qui ne justifie pas en quoi ces commissions seraient effectivement la rémunération d’un service ;
  • tous vos relevés de compte comportant des commissions d’intervention, ou bien le relevé de frais annuel ;
  • une demande de condamnation de la banque au remboursement de l’intégralité des commissions, ainsi qu’à des dommages et intérêts pour préjudice moral à hauteur du montant des commissions ;
  • un timbre fiscal de 35 euros à coller sur votre déclaration.

Déposez votre dossier en autant d’exemplaires que le greffier vous demandera au tribunal d’instance compétent. Bravo !

Le tribunal va en transmettre une copie à votre banque. Il ne vous reste plus qu’à attendre.

Vous êtes maintenant en position de force

Rares sont les banques qui osent aller au tribunal pour ce genre de dossiers indéfendables. Et quand elles y vont, elles perdent.

Vous allez donc probablement recevoir un coup de fil du service client/juridique/contentieux de votre banque, qui va vous proposer le remboursement de vos commissions.

Vous êtes maintenant en position de force : votre banque ne souhaite vraiment pas aller au tribunal, la date de l’audience approche et c’est désormais vous qui fixez les conditions.

Combien demander ? Une base raisonnable, c’est la somme que vous réclamiez au tribunal (le remboursement plus les dommages et intérêts).

Cependant, il ne faut pas oublier de rémunérer certaines clauses qui vont être ajoutés dans le règlement amiable négocié entre vous et votre banque.

Elle vous demande de clôturer votre compte à l’issue du règlement du litige ? Ou souhaite que l’accord ait un caractère confidentiel ? Ces clauses doivent être rémunérées : vous avez été victime d’une facturation abusive, il ne vous appartient pas d’en supporter les conséquences. Un changement de banque entraîne des désagréments et vous oblige à faire des démarches.

Libre à vous de déterminer le « prix » de chaque clause qui vous est proposée.

Une fois négociés les clauses de l’accord et le montant qui vous sera versé, ne vous reste plus qu’à signer le protocole d’accord et attendre le chèque.

Source : Rue 89

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Le cri de désespoir des « classes moyennes »

Alors que la France est en récession et que le pouvoir d’achat baisse, l’Ifop et la Fondation Jean Jaurès publient une étude sur le « grand malaise des classes moyennes » qui se vivent comme les grands perdants de la mondialisation.

 (c) Sipa

François Hollande a tenu, jeudi 16 mai, sa deuxième grand-messe devant la presse, au lendemain d’une journée noire où la France est officiellement entrée en récession. Difficile d’imaginer que cet exercice suffira à remonter le moral des Français dont le pouvoir d’achat a subi une baisse record.

>> Lire « Pourquoi le pouvoir d’achat n’a pas baissé de 0,9% mais de 3,1% »

Et leur redonner espoir va s’avérer encore plus compliqué alors que l’inquiétude touche tout le monde, et s’accentue fortement au sein des classes moyennes, si l’on en croit l’enquête de la Fondation Jean Jaurès intitulée « Le grand malaise » (-> Lire l’essai dans son intégralité en cliquant ici). Dans cette vaste étude, le think tank de gauche a voulu prendre le pouls de cette catégorie sur son sentiment de « déclassement », deux ans après une précédente enquête et alors que la crise s’est durablement installée. Et le résultat est sans appel. Le « descenseur social » a gagné en puissance. [Le descenseur social est une notion inventée par Alain Mergier et Philippe Guibert en 2006. D’après eux, pour les milieux populaires, non seulement l’ascenseur social n’était pas en panne mais il s’était mis à fonctionner à l’envers, entraînant vers le bas des pans entiers des catégories modestes, ndlr] Les principales victimes ne sont donc plus seulement les classes populaires, mais aussi les classes moyennes.

Qui sont les Français qui se rangent dans la catégorie « classe moyenne »

Ainsi, selon une enquête de l’Ifop réalisée pour le compte de la Fondation Jean Jaurès, la proportion d’ouvriers se définissant comme appartenant à la classe moyenne recule de 5 points, par rapport à 2010. Celle des professions intermédiaires, tout comme celle des commerçants, artisans et chefs d’entreprise chute de 7 points. Dans le même temps, ceux qui se perçoivent comme des défavorisés ou des membres des catégories modestes en gagne 7.

Mais il y a pire encore dans le constat de l’Ifop. Car en séparant schématiquement la société selon une ligne passant au sein des classes moyennes, l’institut relève une tendance nouvelle qui interpelle: en moins de deux ans, les défavorisés, les catégories modestes et les classes moyennes inférieures a augmenté de 10 points au moins (passant de 57 % à 67 %). Tandis que l’autre bloc constitué par les classes moyennes véritables, les classes moyennes supérieures et les favorisés ou les aisés a plongé de 43 % à 33 %.

« Trop riches pour être aidés, mais pas assez pour nous en sortir »

« Cette classe moyenne a le sentiment d’être prise entre deux feux, relate Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion de l’Ifop. Dans nos enquêtes, une phrase revient systématiquement de la part de cette population: ‘Nous sommes trop riches pour être aidés, mais pas assez pour nous en sortir’. Ce qui implique que ces personnes n’ont plus un ressentiment seulement vis-à-vis de ceux qui sont en haut de la pyramide, mais aussi et surtout vis-à-vis de ceux qui sont en dessous d’eux ». Ils ont ainsi l’impression de « se situer juste au-dessus du filet protecteur du modèle social à la française et d’y contribuer fortement sans en percevoir de bénéfices suffisants génère un très puissant rejet de l’assistanat », comme l’indique l’étude.

Le poids de la fiscalité

Et ce d’autant que les classes moyennes véritables se distinguent comme étant le groupe qui, avec les favorisés et aisés, estime le plus que le montant de l’impôt acquitté est élevé. Et que cette catégorie de la population n’arrive plus à épargner à la fin du mois (47% contre 57% en 2010)

« Ce sentiment d’être tiré vers le bas est ressenti par à peu près tous les Français, souligne Alain Mergier, sociologue et un des auteurs du rapport ‘Le grand malaise’. On assiste à une fragmentation de la société ». La faute à qui? « Aujourd’hui, la mondialisation est centrale. Jusqu’alors, on s’en prenait à l’Etat quand quelque chose n’allait pas. Mais depuis la crise, on s’est rendu compte que ce n’était pas l’Etat qui avait le pouvoir, mais les marchés financiers! », rapporte le sociologue. Problème, cet état d’esprit ouvre un boulevard aux partis autoritaires et conservateurs. Dans les travaux qu’il effectue, Alain Mergier constate en effet que de nombreux électeurs qui votent traditionnellement PS ou UMP se disent que la mondialisation est un danger et qu’il vaut mieux « s’enfermer chez nous », que ce serait, la moins pire des solutions.

« C’est sur cet axe que Marine le Pen, leader du Front national peut séduire, note Alain Mergier, surtout avec une Europe qui n’apparaît pas comme protectrice aux yeux de beaucoup. Elle peut séduire avec ce discours même des personnes qui ne partagent en rien son discours xénophobe et raciste ».

 

Source : Challenges

Intégrale Placements – Olivier Delamarche – 16 octobre 2012 – On truc rarement le moral des gens, en revanche, on peux facilement trafiquer les statistiques, ce n’est pas compliqué !