La future tour la plus haute du monde, l’immeuble le plus laid ou le musée en forme de raie : le meilleur et le pire des performances architecturales chinoises.
Malgré le ralentissement de l’économie chinoise, un promoteur chinois s’est lancé dans un défi insensé : construire en dix mois la tour la plus haute au monde, 838 mètres.
Ce projet s’ajoute à d’innombrables autres performances architecturales – il y a le meilleur et le pire –, qui ont profondément transformé les villes et les modes de vie chinois au cours des dix dernières années.
Des projets qui coïncident avec la forte poussée d’urbanisation de la Chine, où se produit le plus grand exode rural de l’histoire.
Le gouvernement chinois vient de décréter, par souci d’économie, un moratoire sur la construction de nouveaux bâtiments officiels. Mais il avait beaucoup investi jusqu’ici, et le secteur privé est lui aussi lancé dans la surenchère.
On connait le stade olympique de Pékin, le « nid d’oiseau » des suisses Herzog & De Meuron, le siège futuriste de la télévision d’Etat CCTV signé du néerlandais Rem Koolhas, ou encore l’opéra de Pékin du Français Paul Andreu.
Voici dix autres projets, réalisés ou en cours de réalisation, qui décoiffent.
La tour la plus haute au monde à Changsha

Avec une hauteur de 838 mètres, ce projet de tour de Changsha, dans le sud de la Chine, sera le plus haut au monde (Broad Group)
Huit petits mètres ! C’est de cette courte tête que le projet de gratte-ciel Sky City de Changsha, dans le sud de la Chine, dépassera l’actuelle tour la plus haute au monde, Burj Khalifa de Dubaï.
Le conglomérat chinois privé qui est à l’initiative de ce projet extravagant y ajoute une performance : construire la tour en dix mois, avec une inauguration prévue en avril prochain, là où il avait fallu cinq ans pour édifier celle de Dubaï.
Pour réaliser cette prouesse, rapportent Les Echos, le fondateur de Broad Group, Zhang Yue, mise sur l’utilisation d’éléments préfabriqués qu’il suffit d’emboîter ensuite les uns dans les autres. Cette technologie lui a déjà permis de construire en quinze jours une tour de 29 étages.
Le correspondant des Echos relève toutefois que le très officiel « Quotidien du Peuple » a critiqué sur son micro-blog « la vénération aveugle portée aux gratte-ciel de hauteur démesurée ». Signe que cette course folle vers le ciel pourrait bientôt connaître un coup d’arrêt salutaire.
Le Sheraton du lac Tai

Le Sheraton du lac Tai (http://marketingtochina.com)
C’est un architecte chinois, Ma Yansong, qui signe cet élégant anneau sur le lac Tai, à Huzhou, dans la riche province côtière du Zhejiang. Une construction pour la chaîne hôtelière américaine Sheraton, qui a investi 1,5 milliard d’euros dans sa construction, signale le site MarketingtoChina.
L’hôtel, d’une hauteur de plus de 100 mètres, compte quelque 300 chambres de luxe, et ne devrait pas avoir de difficulté à les remplir, dans l’une des régions touristiques du pays.
L’hôtel Tianzi de Pékin, « l’immeuble le plus laid de Chine »

L’hôtel Tianzi de Pékin, décrit par Quartz comme « l’immeuble le plus laid de Chine »(Capture d’é ; cran de Quartz)
Cet hôtel de la périphérie de Pékin a été désigné en 2012 comme le bâtiment le plus laid de Chine ! Il se présente sous la forme de trois personnages familiers de la mythologie chinoise, incarnant respectivement la prospérité, le bonheur et la réussite.
Ce type de projet est caractéristique de la rencontre entre les intérêts de promoteurs immobiliers à la recherche de concepts marketings spectaculaires, et de gouvernements locaux peu scrupuleux qui autorisent n’importe quoi à l’issue d’un banquet bien arrosé et de quelques enveloppes…
Le « LV building » à Shanghai

Le LV building de Shanghai, un pied géant (www.archcy.com via Quartz)
Repéré par le site américain Quartz, ce bâtiment est le siège de la société de Shanghai LV. Un seul commentaire : quel pied (c’était trop tentant).
L’hôtel Atlantis de l’île de Hainan

L’hôtel Atlantis de l’île de Hainan (www.archcy.com)
Avec l’explosion du nombre de millionnaires en dollars, et une classe moyenne de plusieurs centaines de millions de personnes, la Chine réinvente son tourisme. Les promoteurs tentent en particulier d’offrir, en Chine, certains des plaisirs que les touristes chinois vont chercher à l’étranger, l’extravagance en plus.
C’est le but de ce projet d’hôtel Atlantis sur l’île de Hainan, au sud de la Chine, déjà une destination touristique de choix pour les Chinois, mais aussi pour les Russes. Hainan a connu un boom de la construction au cours de la dernière décennie, qui a transformé ce paradis tropical en un Cancun d’Asie, avec plus de béton que de plages. Ce qui n’empêche pas son succès.
Le Centre de conférence de Chengdu
L’architecte Zaha Hadid vient d’inaugurer, le 1er juillet (jour anniversaire de la fondation du Parti communiste chinois !), ce monumental complexe à Chengdu, capitale du Sichuan, province de plus de 100 millions d’habitants à l’ouest de la Chine.
Grand comme vingt fois l’opéra de Sydney, long de 500 mètres, le centre de conférences de Chengdu, qui comprend deux hôtels cinq étoiles et un centre commercial, est la plus grande structure couverte au monde, et multiplie les records mondiaux.
On y trouve même le plus grand lac couvert au monde, Paradise island, avec la réplique d’un village méditerranéen. Les 1 000 chambres des deux hôtels ont toutes « vue sur la mer », un comble pour cette ville située à plusieurs milliers de kilomètres de la côte.
Le musée en forme de raie de l’île de Pingtan
Les travaux ont commencé sur le lac Pingtan, dans la province côtière du Fujian, pour ce qui sera le plus grand musée privé de Chine. Conçu comme une « raie » plate posée sur l’eau et reliée à la terre par une étroite « queue », il est l’œuvre du cabinet chinois MAD, basé à Pékin.
Etroitement imbriqué avec la nature, les promoteurs se sont engagés à n’utiliser que des matériaux traditionnels de la région.
Situé sur une île située face à Taiwan, ce musée a l’ambition d’attirer les touristes de cette île rebelle, séparée de la Chine depuis 1949 mais avec laquelle les échanges économiques et humains se développent sans cesse.
L’île abrite actuellement une base militaire, mais elle devrait être transformée en zone urbaine et touristique, avec ce vaste musée comme principale attraction.
Le minimalisme de Wang Shu à Ningbo
Wang Shu est l’antithèse de l’architecture clinquante et tape à l’œil qui domine la scène chinoise. Récompensé en 2012 du prix Pritzker, le « Nobel » de l’architecture, Wang Shu est un adepte du minimalisme, des produits recyclés ou naturels, et un partisan de l’économie de moyens. Sa réputation internationale n’est plus à faire, sans doute plus forte que dans son propre pays.
L’architecte, qui a créé en 1997 son propre studio avec sa femme, Lu Wenyu, signe ici le musée d’art de Ningbo, au sud de Shanghai, bâti entièrement avec des matériaux de récupération.
Il avait participé l’an dernier au Festival international des jardins au Château de Chaumont sur Loire, en France, et avait présenté une installation totalement dans son esprit imprégné de spiritualité chinoise traditionnelle.
Le musée Sifang de Nankin dans la nature
Cette construction très moderne et surprenante installée au cœur de la nature près de Nankin, la grande ville à l’ouest de Shanghai, est signée de l’Américain Steven Holl, qui dit s’être inspiré de concepts de la peinture chinoise ! Une expérience de modernité urbaine qui tente de se faire sa place sans trop déranger la nature…
Ce musée Sifang ouvrira ses portes en octobre prochain.
Le Quotidien du peuple de Pékin, un organe (de propagande) qui se dresse à Pékin

Vue très suggestive du futur siège du Quotidien du peuple à Pékin (Capture d’é ; cran Index on Censorship)
Pour terminer, l’apothéose : nous vous avons déjà parlé du futur siège du Quotidien du peuple, l’organe (sic) central du Parti communiste chinois à Pékin. Les internautes s’en sont donnés à cœur joie depuis qu’ils ont découvert qu’il était extrêmement suggestif et ressemblait à un immense phallus.
La censure s’en est mêlée, interdisant ces photos, suscitant un classique jeu du chat et de la souris sur les réseaux sociaux chinois…
L’honnêteté nous oblige à dire que cette impression qui a beaucoup fait rire les internautes chinois et nous aussi, n’est visible que sous un certain angle de vue, et que, plus classiquement, l’immeuble ressemblera à ceci :
Source : Rue 89