Le rachat d’actions par une entreprise cotée : bon signe ou mauvais signe ?

Aujourd’hui, Apple a annoncé avoir racheté pour 14 milliards de dollars de ses propres actions durant les deux dernières semaines. Mais pourquoi une entreprise rachète t-elle parfois ses propres actions ? Et est-ce plutôt un bon ou un mauvais signe à propos de la santé financière de cette entreprise ? Pour comprendre cela, vous allez rentrer dans la peau d’un super créateur d’entreprise d’une société cotée en bourse. L’histoire présentée ici est très simplifiée, mais permettra de comprendre pourquoi une entreprise peut choisir de racheter ses actions, et comment ce programme de rachat peut-être interprété par le marché (effet sur les cours boursiers).

Depuis l’introduction de votre société en bourse il y a trois ans, tout semble se passer pour le mieux. Votre société réalise de beaux bénéfices chaque année, et le cours de l’action est passé de 50 euros à 110 euros. Vous avez dans les caisses de votre entreprise un beau petit trésor de guerre, accumulé au fil du temps, qui atteint désormais 100 millions d’euros (= trésorerie). Soudain, sans que vous ne sachiez trop pourquoi, le cours de l’action de votre entreprise, dont vous détenez encore 50%, s’effondre et passe à 80 euros. Vous vous dites alors : « tiens, pourquoi je n’utiliserais pas une partie du trésor de guerre de l’entreprise afin de racheter des actions à 80 euros, en attendant que cela remonte ; en plus, cela pourrait permettre de rémunérer les meilleurs employés avec des actions de l’entreprise pour les impliquer davantage encore ». Votre idée est donc que le marché n’évalue actuellement pas bien la valeur fondamentale de votre entreprise, et que c’est alors une bonne occasion pour racheter des actions. En plus, vous vous dites « tiens si je rachète des actions et que je montre ma confiance en l’entreprise, cela donnera un signal aux investisseurs comme quoi l’entreprise se porte bien, et fera remonter le cours à sa « juste valeur » ».

 

En plus de cela, un programme de rachat d’actions peut permettre de réduire les coûts d’agence, via la diminution avec le programme de rachat des divergences entre le management et les actionnaires (« moins d’actionnaires = moins de problèmes = moins de coût pour éviter les problèmes »). Enfin, un rachat d’action peut permettre d’optimiser la structure du capital de votre entreprise, c’est à dire la manière dont l’entreprise finance ses actifs par une combinaison entre dette et capitaux propres. Mais bon, restons sur la théorie la plus simple de sous-évaluation, même si empiriquement c’est un peu plus complexe que cela.

 

En 1984, Warren Buffet expliquait que lorsqu’une entreprise était dans une situation financière confortable et estimait que le cours de ses actions était bien en dessous de sa valeur fondamentale, alors le rachat d’action est la meilleure chose possible pour les actionnaires.

« When companies with outstanding businesses and comfortable financial positions find their shares selling far below intrinsic value in the marketplace, no alternative action can benefit shareholders as surely as repurchases. » Warren Buffet

 

Mais pourtant, suite à la mise en place de votre programme de rachat d’actions, et à votre grande surprise, le cours de l’action de votre entreprise dégringole. Il existe en effet deux théories opposées à propos de l’impact d’un programme de rachat d’action sur le cours boursier. La première théorie, celle sur laquelle vous vous étiez basée, est celle de la « sous-évaluation » (« undervaluation theory »). Mais il en existe aussi une autre, celle du signal négatif (« negative outlook theory »). Selon cette théorie, un rachat d’action ne montre pas la bonne santé d’une entreprise, mais au contraire un manque total d’inspiration et de projets, car au lieu d’investir ce trésor de guerre pour assurer le développement futur de l’entreprise (recherche et développement, investissement physique, nouveaux projets…), l’entreprise n’a aucune idée et préfère juste racheter des actions (processus qui ne crée pas de valeur directement).

Mais en réalité, quel effet domine ? Si l’on s’intéresse d’un point de vue empirique, l’annonce de la mise en place d’un programme de rachat d’actions a en moyenne un effet positif sur le cours boursier d’une entreprise (Vermaelen (1981), Baker & al, 2003)). C’est d’ailleurs l’effet qui semble se dégager en ce qui concerne l’annonce de rachat d’action de la part d’Apple (une étude plus approfondie serait cependant nécessaire).

 

Pourtant, selon la théorie financière, un rachat d’action, tout comme le versement d’un dividende (voir « L’impact du versement d’un dividende sur le cours d’une action« ), devrait être neutre pour les actionnaires car cette opération n’est pas créatrice de valeur. Pour expliquer empiriquement les résultats positifs, il convient donc d’analyser cela sous le regard de la théorie des signaux (signal positif de sous-évaluation ou signal négatif de « je sais pas quoi faire de mon cash j’ai pas d’idée) ainsi que sous le regard de la théorie de l’agence, ou bien encore en prenant en compte le rôle de la fiscalité (taxations différentes entre plus-values, dividendes, rachat d’action…)

Conclusion : L’investisseur/activiste Carl Icahn est peut-être en train de gagner sa bataille face à Apple. Depuis plusieurs mois, le fond qu’il dirige achète en masse des actions de l’entreprise Apple et fait pression sur Tim Cook (patron d’Apple) afin que celui-ci augmente le programme de rachat d’action. Il faut dire qu’Apple est l’entreprise au monde avec le plus gros trésor de guerre dans ses coffres : 160 milliards de dollars qui dorment bien au chaud (investissement en obligation souveraine/entreprises …  lire « La démesure d’Apple en chiffres et images« ) ! De quoi s’amuser un petit peu…

Source : Captain €conomics

Les « parts sociales » des banques coopératives sont-elles un (bon) placement ?

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Depuis quelques temps, les parts sociales des banques coopératives sont proposées à la vente en tant que placement financier. C’est une opération contre-nature menée dans l’urgence pour faire face aux considérables pertes financières. Il faut augmenter les fonds propres pour respecter les ratios de garantie et c’était la seule solution.

Les sociétés anonymes appartiennent à des actionnaires qui possèdent des actions. C’est le cas des banques commerciales. Ce sont des sociétés de capitaux.
Les sociétés coopératives appartiennent à des sociétaires qui détiennent une ou des parts sociales. C’est le cas des banques dites « mutualistes ». Ce sont des sociétés de personnes.

Dans une société anonyme, plus on a d’actions, plus on a de pouvoir. Avoir la moitié des actions plus une, c’est avoir le pouvoir de décision, la capacité de gérer l’entreprise. Avoir le 1/3 des actions c’est avoir une minorité de blocage et donc, déjà, un réel pouvoir. En pratique, dans une grosse structure, il suffit d’être « le plus gros » pour diriger. D’être majoritaire ou dans un pacte majoritaire.

Si la gestion se révèle très performante, avoir beaucoup d’actions c’est devenir riche. La valeur de chaque action augmente, éventuellement grimpe en flèche, et les dividendes pleuvent. Jackpot.
C’est une logique : bien gérer pour gagner beaucoup. Un capitalisme vertueux.

Dans une société coopérative, il suffit d’avoir une part sociale pour avoir le même pouvoir que chacun des autres associés. C’est la logique « un homme, une voix ».
Les buts de l’entreprise son cadrés par l’article 1 de la loi fondamentale du 10 septembre 1947. Et éclairés par la charte de l’A.C.I. (Alliance Coopérative Internationale).
La finalité est celle du service maximum pour le coût minimum. Dépenser moins pour vivre mieux et vivre « citoyen » : la société coopérative ne cherche pas le profit. La notion de profit lui est même antagoniste.

Les parts sociales font de leur détenteur un co-propriétaire de l’entreprise avec le droit et le devoir de participer à sa gestion dans l’intérêt de tous. Pour que chacun profite de façon égalitaire, de l’activité, conformément au barème voté qui s’applique à tous.

Telle est la logique des banques coopératives et c’est en cela qu’elles constituent une solution alternative par rapport aux banques commerciales.

Dans une banque coopérative, le but est de vendre le minimum de « produits » aux clients-sociétaires. Et surtout pas des choses inutiles ou à l’intérêt illusoire. Et toujours au moindre coût. Intéresser les salariés à la vente est, dans ce contexte, une perversion.

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Les parts sociales sont essentielles pour la coopérative puisqu’elles permettent de constituer un capital social. Ainsi les sociétaires, à travers leur entreprise coopérative, ont les moyens d’agir.

Mais les parts sociales sont une mauvaise affaire pour qui cherche un placement profitable. Forcément une mauvaise affaire…

Elles ne sont pas négociables et ne vaudront jamais plus que leur valeur nominale : en période d’inflation, elles « fondent au soleil ».

Elles ne sont pas « liquides » : leur remboursement est soumis à conditions et, si elles sont finalement rachetées par la coopérative, après accord du conseil d’administration, leur règlement peut, selon les cas, attendre jusqu’à cinq ans. Seul ¼ du capital social est remboursable, le reste est définitivement bloqué. Le remboursement des parts, s’il est possible, ne peut s’effectuer que dans cette fourchette.

Elles ont vocation à supporter les pertes de la coopérative : elles ne vaudront jamais plus que leur prix d’émission mais peuvent ne plus rien valoir. Pire (ou mieux) : en fonction des statuts, le propriétaire d’une parts sociale peut être engagé à hauteur de 2 à 5 fois la valeur de cette part (20 fois dans certains cas).
En cas de faillite, il devra alors abonder – trouver l’argent pour combler le trou – pour plusieurs fois le montant de son « placement » et il est vérifié que l’acheteur de parts sociales a rarement connaissance des statuts.

Enfin, les parts sociales ne sont pas un bon placement pour une raison simple et évidente : elles peuvent ne comporter aucune rémunération. Rien ne peut être garanti.

C’est dans la logique de leur existence et il n’y a rien à redire : faire l’acquisition de parts sociales est un acte militant.

La rémunération dépend d’abord, bien entendu, des résultats de la société. Ensuite, elle est décidée par l’Assemblée Générale mais, dans tous les cas, plafonnée par l’article 14 de la loi du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération, jamais supérieure au taux moyen de rendement des obligations des sociétés privées (TMO).

En clair, la rémunération des parts sociales peut être nulle ou faible mais n’est jamais très élevée. Elle n’est envisagée qu’après augmentation des réserves impartageables et distribution (alors partielle) des excédents.

L’utilité des parts sociales, c’est de donner accès au fonctionnement de l’entreprise et donc à la redistribution des excédents, toujours prioritaire.
La redistribution est proportionnelle, pour chacun, à la hauteur de son activité avec la caisse, c’est une « ristourne », un retour. Pour en bénéficier, il suffit de détenir une part sociale, inutile d’en avoir un stock. La redistribution des excédents rend le profit à ceux qui l’ont généré et évite toute spéculation.

Prenons l’exemple du Crédit Agricole Mutuel : les parts sociales d’une caisse locale viennent en garantie des pertes éventuelles de la caisse régionale, qui est une filiale des caisses locales. Et les caisses régionales sont liées entre elles par un pacte de garantie. C’est ainsi qu’elles ont pris en charge les pertes de la caisse corse de Crédit Agricole Mutuel lors d’une incroyable escroquerie (toujours pas jugée, l’instruction est en cours depuis 20 ans).

Les caisses régionales de Crédit Agricole Mutuel sont par ailleurs propriétaires de 54% de Casa, la société cotée en bourse (appelée « véhicule coté » …). Elles sont en première lignes pour éponger les pertes, par exemple en Grèce. En cas de sortie de l’Euro de ce pays, les pertes seront immenses et les parts sociales des caisses locales serviront à boucher les trous. Les parts sociales risquent de ne plus être remboursables. Au passage, il faut signaler que l’idée même de mélanger la logique d’une coopérative et celle du CAC 40 est une aberration. On ne peut plus parler des valeurs !

L’idée de « vendre de la part sociale » vient de loin. Il y a trente ans, j’avais mené une très longue enquête sur la CFCMO et FONDEV. Un incroyable polar, j’y reviendrai.

Actuellement, la commercialisation (!) des parts sociales dans les banques coopératives (comme celle des actions Natixis il y a quelques années) s’apparente à de la « vente forcée ». Il y a le feu et il faut faire grossir le capital social dans l’urgence. Ceci pour pouvoir invoquer « les particularités du modèle français », garantie de la solidité invoquée de notre réalité bancaire nationale et seule justification à la captation. Un peu court. Faut-il parler d’arnaque ? Pour le moins de flou et de manque d’information, d’ambiguité.

 

Source : MediaPart |08 juin 2012 |  Par Patrick Le Cellier

Marine Le Pen « Peines de prison pour les PDG qui font des ententes sur le dos des consommateurs ! »

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